Le crocodile

« — Mon ami, mais, et la liberté ? demandai-je, cherchant à connaître pleinement son opinion. Tu es, pour ainsi dire, comme au fond d’une prison, alors que l’homme doit jouir de la liberté.
— Tu es bête, répondit-il. Ce sont les sauvages qui aiment l’indépendance, les sages aiment l’ordre, et l’ordre manque… »Le crocodile Dostoievski

Le crocodile

L’heureuse formule de Nietzsche a parcouru les textes et supporté bien des analyses « L’État est le plus froid des monstres froids et il ment froidement, et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : Moi l’État je suis le peuple ». 15 ans auparavant, Dostoïevski utilisait le même support de métaphore pour une nouvelle à la Gogol, Le Crocodile, dans lequel un homme, arriviste sans succès, se fait happer tout entier par un crocodile exposé dans une foire. Loin de provoquer l’effroi, cet épisode constitue au contraire l’origine de l’émerveillement : l’homme est au sein du crocodile pleinement conscient et peut même profiter de l’engouement suscité par sa situation pour organiser ses affaires et les faire prospérer. Seul son ami qui l’accompagne ne se résout pas au « principe économique » qui semble faire le bonheur de tout le monde en cette situation et voit le grotesque de l’affaire : bordel, il est dans un crocodile ! Le « principe économique » c’est le réalisme absurde du capitalisme raillé par l’auteur et qui pourtant nous tient toujours lieu d’ordre du monde. Notre vie commune est organisée par des gens qui vivent dans des crocodiles pour des gens qui vivent dans des crocodiles, tandis que d’autres rendent compte de cette vie débattant sans fin pour savoir s’il faut apporter une bougie dans ce ventre ou se complaire dans l’obscurité.

Dans ce monde étrange, une logique prévaut, une logique essentielle, car si elle s’effondre alors tout l’édifice s’effondre avec elle : le « principe économique »…

Auteur: lundimatin
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