Le frôlement de la folie

« Institut Ophélie »

© Jean-Louis Fernandez

«Je lève mon verre de vase à la santé de toutes les putains du Danemark ! C’est ma dernière tournée, videz vos bières, adieu au music-hall, ce soir j’ouvre les jambes à la buvette du couvent ! » D’abord seule, dans un espace aux couleurs bleu acidulé qui pourrait aussi bien être un appartement qu’une salle de musée, Jeanne tend un miroir à Ophélie. À toutes les Ophélie qui ont sombré dans la folie ou mis fin à leurs jours après avoir croisé sur leur chemin un Hamlet faisant d’elles une victime expiatoire. Jeanne veut briser et piétiner le personnage qui a nourri tant d’œuvres d’art et alimenté le fantasme de la jeune fille sacrificielle, morte à ses propres désirs. Elle veut remonter le temps et passer au crible toutes les formes de domination et d’oppression qui soumettent les femmes aux hommes, amant, père, frère, et aux institutions.

Conchita Paz interprète avec puissance Jeanne dans toutes ses métamorphoses, entrant en contact et confrontation avec la foule de personnages de cet étonnant et décapant Institut Ophélie écrit par Olivier Saccomano et mis en scène par Nathalie Garraud. Tous deux dirigent le Théâtre des 13 vents de Montpellier dont ils ont fait un espace de création poétique et politique, ouvert aux artistes du Sud. S’il écrit et si elle met en scène, ils aboutissent ensemble à une œuvre commune et partagée, nourrie de références historiques et philosophiques, d’interrogations existentielles. Ils avaient d’ailleurs écrit et monté précédemment Un Hamlet de moins. Mais cet Institut Ophélie n’en est pas vraiment une suite. Il vit et interpelle par lui-même, quittant vite le siècle élisabéthain, non sans avoir fait le procès de tous les faiseurs de guerre et de toutes les reconstitutions patriarcales des siècles suivants, pour interroger l’état du monde aujourd’hui et rappeler les multiples combats des femmes, dont celui pour le droit à l’avortement et à la libre disposition de leur corps.

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« Institut Ophélie »

© Jean-Louis Fernandez

Institut Ophélie emprunte aussi son titre à un établissement du même nom, reconnu d’utilité publique par le décret présidentiel du 16 mai 1919, et parrainé par les alliés américains au sortir de la guerre, qui atteste : « Nous sauvons les jeunes filles de France. Entre ces murs, elles seront soignées, éduquées, initiées à l’hygiène et aux soins ménagers ». Il questionne ainsi les…

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Auteur: Marina Da Silva