Le Grand Inquisiteur, Heidegger et « les juifs »

On dit, dans le monde universitaire et médiatique, que les écrits de Heidegger sont une menace pour l’humanité. Du moins certains le disent. Ce sont des lecteurs d’Emmanuel Faye.

En conclusion d’un livre paru en 2005, Heidegger. L’introduction du nazisme dans la philosophie, il expliquait : « Aujourd’hui plus que jamais, c’est la tâche de la philosophie que de travailler à protéger l’humanité et à alerter les esprits, pour éviter que l’hitlérisme et le nazisme continuent d’essaimer à travers les écrits de Heidegger, au risque d’engendrer de nouvelles entreprises de destruction complète de la pensée et d’extermination de l’homme ».

Une telle reformulation de la « tâche de la philosophie » pourrait faire sourire : à l’aube du XXIe siècle, un individu singulier s’imagine venir au secours de l’humanité et agir en philosophe en alertant l’opinion sur le danger planétaire que représente la diffusion des écrits de Heidegger. Cela pourrait être drôle. Mais Emmanuel Faye a donc bâti sa carrière académique, avec le puissant concours de certains médias, sur un propos dont la consistance spéculative est nulle et dont le ressort subjectif témoigne d’une vocation de « pion » plutôt que de philosophe : « La gravité des dérives que nous avons dû signaler révèle la dangerosité de l’œuvre de Heidegger ». Sous la plume d’un inspecteur des impôts dénonçant l’existence de dessous de table, tout irait relativement bien dans un monde plus ou moins respectable, mais lorsqu’on découvre de telles tournures dans le livre d’un universitaire enseignant la philosophie, on doit craindre le pire.

Faut-il pour autant prendre le contre-pied de Faye et considérer Heidegger comme un « maître » ? En 1967, Derrida, à l’évidence, le considérait comme tel. A Levinas qui reprochait à Heidegger de situer l’acte primordial de la pensée dans l’ontologie plutôt que dans…

Auteur: lundimatin
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