Le Guet-Apens de Cesare Battisti

Il y a au moins deux bonnes raisons de lire Guet-Apens, le nouvel opus de Cesare Battisti que les éditions du Seuil s’obstinent heureusement à publier. La première c’est qu’avec la très probable venue au pouvoir en Italie d’une droite héritière directe du fascisme, son sort, à l’isolement dans le quartier de sécurité de la prison de Ferrare, a peu de chances de s’améliorer dans l’immédiat : c’est une litote. On considérera donc comme bienvenu tout ce qui peut rappeler que Cesare est toujours derrière les barreaux, bouc émissaire de la vérité officielle des gouvernants italiens sur la poussée révolutionnaire des années 70.

Et toute personne qui s’intéresse à l’existence de garanties internationales valables pour n’importe quel citoyen ne peut que s’intéresser à la description du piège ourdi en 2019, en dehors de toutes les lois nationales et internationales de l’asile, par la Bolivie de Morales, le Brésil de Bolsonaro et l’Italie de Salvini. Que ce récit prenne la forme d’un roman noir montre une fois de plus que la fiction peut dire la vérité bien mieux que les constructions journalistico-politiques. Ces dernières, comme on sait, ont joué un si grand rôle dans la transformation de Cesare en monstre. Mais la deuxième raison de lire Le Guet- Apens est tout aussi importante. Si l’on croit, comme nous, que la littérature n’a de comptes à rendre qu’à elle-même, et surtout pas à une morale ou une correction politique quelconque, qu’elle soit démocratique bourgeoise ou prétendument révolutionnaire, on ne manquera pas d’être frappé par la qualité littéraire de son travail, qui est ici à son meilleur.



Dans une brève préface, il présente ainsi son livre, en liant inséparablement les conditions matérielles auxquelles il était astreint, et son contenu même : « J’ai écrit ce roman en me servant uniquement de papier, d’un stylo et de tout le temps que j’avais à ma disposition, afin de revivre les moments dramatiques qui ont précédé ma déportation arbitraire de Bolivie vers l’Italie le 13 janvier 2019. Je devais à tout prix comprendre ce qui s’était passé, ou, plus précisément, ce qui nous arrivait, à moi et à ceux qui m’ont accompagné durant mes dernières semaines d’exil. Seul détenu dans le quartier de haute sécurité d’une prison sarde, face à la perspective d’y rester jusqu’à la fin de mes jours, j’étais prêt à supplier afin qu’on me donne au moins l’autorisation d’écrire. Car c’est grâce…

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Auteur: lundimatin