Le kapo n'aime pas les dominos

Eric Zemmour est un falsificateur de l’histoire, dont l’objectif central est de rassembler deux droites historiquement ennemies, gaulliste et pétainiste. Cette falsification se fait à travers l’occultation de l’antisémitisme du régime de Vichy. Néanmoins, la trajectoire personnelle du pamphlétaire s’inscrit dans une autre histoire : celle du colonialisme français en Algérie, qui a œuvré à la séparation des juifs et des musulmans afin d’asseoir sa domination. C’est en tant que produit de cette histoire que nous nous intéressons à ce falsificateur.

Dans une série uchronique, The plot against America, adaptée du roman éponyme de Phillip Roth, John Turturro joue le rôle du rabbin Lionel Bengelsdorf. Juif conservateur, il fait le choix délibéré de soutenir Charles Lindbergh, célèbre aviateur des années 20 et 30, membre du comité America First qui militait activement pour un rapprochement des États-Unis avec l’Allemagne nazie. Dans la fiction, il devient le président des États-Unis en 1940. Lors de cette ascension, on y voit le rôle toujours plus acharné du rabbin (Turturro) voulant tantôt convaincre la communauté juive du bienfait de Lindbergh pour les USA, tantôt de juif de service devant d’autres publics, puis nommé à la tête d’un programme – de déportation – visant à « mieux assimiler notre peuple au sein des États-Unis ».

Ce personnage de fiction renvoie certainement au rôle des judenrat en Europe : les institutions juives mises en place par les nazis pour gérer puis exterminer les leurs. Cette réalité, si elle est bien documentée, est cependant très nuancée et renvoie à des attitudes extrêmement différentes, depuis la coopération zélée aux déportations jusqu’aux suicides de membres des judenrat pour ne pas participer à cette horreur. Quoiqu’il en soit, cette figure du juif participant à la destruction des Juifs hante l’histoire du génocide, si bien que le Judenrat est resté comme une sorte d’insulte suprême (similaire à “l’Oncle Tom” chez les Noirs, avec peut-être une charge plus forte encore de traîtrise). À la fois victime et bourreau, cette figure nous plonge toujours dans un abîme d’incertitudes gluantes.

Aujourd’hui, Eric Zemmour a endossé ce rôle pathétique. Ses déjeuners en ville avec le négationniste Jean-Marie Le Pen et la fille du haut-dignitaire nazi Ribbentrop semblent tout droit sorti d’une scène de Plot against America. On peut presque imaginer la viscosité de ce repas, où l’obséquieux monsieur Z cherche ses…

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Auteur: lundimatin