Le lisse et le dru : ce que notre rapport à la pilosité dit de nous

Dans l’histoire de l’Occident comme dans celle du monde méditerranéen et proche-oriental, le paradigme historique de la beauté associe la peau lisse, épilée, au genre féminin, tandis que la pilosité est réservée au genre masculin, à quelques exceptions près. Le cas de l’Iran est, à ce titre, exemplaire. La veille du mariage, la bandandaz (l’épilatrice), maniant avec dextérité fil, pâte dépilatoire à base de chaux, rasoir et cire transforme le corps poilu de fille en corps entièrement lisse de femme. L’épilatrice porte une attention particulière aux sourcils devant désormais former des arcs fins et parfaits. Aux « pattes de chèvre » (pâtche bozi) touffues des adolescentes se substituent deux courbes jugées plus harmonieuses.

Dans le quotidien, l’état des sourcils des Iraniennes renseigne sur le statut de l’interlocutrice et invite d’emblée à employer tel terme d’adresse ou telle formule de politesse. Mais, dans leur souci d’émancipation, de jeunes filles intrépides brouillent ce code de reconnaissance ; anticipant sur le rite de passage et voulant se conformer aux canons de la beauté juvénile occidentale, elles se font épiler les sourcils, ce qui entraîne, dans les milieux conservateurs, la réprobation de leurs parents.

Des pratiques fluctuantes

Les exceptions historiques et ethniques à ce schéma général opposant le lisse au dru ne manquent pas. Le christianisme a prôné, avec plus ou moins de succès, le respect de la nature créée par Dieu, les poils ayant, en outre, pour vertu, de cacher les « parties honteuses », tandis que l’épilation du pubis et des aisselles est la norme, pour les deux sexes, dans les sociétés islamiques, les poils qui retiennent les sécrétions (le sang, l’urine, la sueur, les matières fécales) étant considérés comme impurs. On ne saurait, dans ces conditions, effectuer ses obligations religieuses couvert de poils et il est significatif que la…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Christian Bromberger, Anthropologue, professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)