Le marketing responsable, de la compréhension à l’action

Qu’il s’agisse des effets négatifs liés à la surconsommation ou des questions liées à l’exploitation des données collectées grâce aux technologies de l’information et de la communication, la discipline du marketing est souvent montrée du doigt, voire désignée comme responsable (de la surconsommation ou de l’obsolescence programmée des produits et bien d’autres maux, etc.). Pourtant, le marketing s’ancre, depuis ses origines, dans la compréhension des consommateurs.

Au-delà de la sphère marchande

Dans la mythologie romaine, Mercure est à la fois le dieu du commerce et des voleurs. Cette image souligne la dialectique de l’échange commercial autour de l’enrichissement qui n’est donc pas une problématique contemporaine. En se nourrissant de différents regards (sociologie, psychologie, économie, etc.), le marketing s’intéresse à la compréhension des comportements des consommateurs dans le but de comprendre leurs besoins et d’y répondre en développant des produits ou des services.

Un des griefs formulés à son encontre concerne précisément cette orientation compréhensive, vue comme une étape préalable à la manipulation. Sans nier la volonté d’influence d’une stratégie marketing, il est important de prendre conscience du double mouvement existant entre l’offre et la demande (autrement dit, la production et la consommation) et de reconnaître au marketing un (simple) rôle de facilitateur et de traducteur.

Au cours des dernières décennies, des notions telles que la satisfaction des consommateurs, la création de valeur, l’équilibre de l’échange consommateurs-entreprises et les pouvoirs exercés dans cette relation ont retenu l’attention des chercheurs.

Après avoir rappelé ces quelques éléments, Pierre-Louis Dubois, professeur émérite de l’Université de Montpellier, a proposé, lors de la conférence inaugurale de la Chaire universitaire MARÉSON le 10 novembre dernier, la définition suivante du marketing :

« C’est l’ensemble des processus mis en œuvre par une organisation destiné à comprendre, à influencer (et non à manipuler) dans le sens de ses objectifs et à contrôler l’échange entre elle-même et les autres entités pour créer de la valeur à l’attention de l’ensemble des parties prenantes ».

Ainsi, le marketing dépasse largement la sphère marchande et concerne toutes les organisations. Celles-ci doivent fixer leurs objectifs, leurs orientations en identifiant et en dialoguant avec leurs parties prenantes pour créer de la valeur, qu’il ne faut d’ailleurs pas réduire à la simple richesse économique.

Des problématiques nombreuses

La responsabilité du marketing, défini en ces termes, ne fait donc pas débat. En effet, selon la volonté de l’individu, un simple couteau s’avère indispensable pour préparer des tartines beurrées, mais peut aussi devenir l’arme d’un crime. Il ne s’agit pas de nier les conséquences désastreuses du deuxième usage. Néanmoins, ce dernier ne peut, à lui seul, conduire à justifier la disparition de tous les couteaux.

Dépasser la conception traditionnelle de l’entreprise fondée sur la richesse économique interroge sur les termes d’un nouveau contrat social qui n’élude pas pour autant la création d’une ressource économique, condition nécessaire pour la pérennité d’une entreprise. Cela induit pour l’entreprise une réflexion sur la valeur et nécessite de rendre compatibles les intérêts (parfois divergents) des parties prenantes.

En effet, la mise en œuvre soulève de nombreuses problématiques. À titre d’illustration, citons les questions suivantes : quelle valeur et quels indicateurs de performance ? Quelles parties prenantes dans une entreprise internationale ? Comment se démarquer d’une concurrence demeurant dans un schéma économique traditionnel fondé sur la seule valeur économique ? Quelles formes de reporting mettre en œuvre ? Comment former les managers de demain pour qu’ils soient conscients de la responsabilité sociétale des entreprises ?

« Crise civilisationnelle »

À l’heure où le monde est en train de vivre un « changement d’imaginaire », l’attitude compréhensive (littéralement prendre ensemble, saisir par l’intelligence) devient une nécessité. Face à ces bouleversements profonds que connaît la société, rien ni personne n’est indemne. Nous sommes face non pas…

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Auteur: Béatrice Siadou-Martin, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Montpellier