« Le mot républicain est devenu l’arme privilégiée des maîtres » : entretien avec l’écrivain Joseph Andras

 A l’heure où Emmanuel Macron nous invite au « sursaut républicain » pour « assurer l’ordre », c’est-à-dire empêcher la gauche de lui contester sa majorité aux élections de dimanche prochain, la lecture de Pour vous combattre, le dernier récit de Joseph Andras, est salvatrice. Comme dans ses précédentes œuvres, il tisse un fil qui, à partir d’un exemple historique concret, en l’occurrence le sort de Camille Desmoulins pendant la Révolution française, nous fait réfléchir sur notre époque et sur ce qu’est aujourd’hui la République : un instrument à la main de la bourgeoisie pour asseoir sa domination sur les plus faibles.

Entretien réalisé par Guillaume Etiévant

Dans vos récits, vous aimez mettre en avant certains faits ou personnages historiques pour donner à réfléchir sur le passé, mais également sur notre époque actuelle. Par exemple, dans Au loin le ciel du Sud, l’Est parisien du jeune Hô Chi Minh était aussi celui des futures barricades des Gilets jaunes. Votre nouveau récit, Pour vous combattre, est consacré au Vieux Cordelier, le journal de Camille Desmoulins pendant la Révolution française, qui prônait un adoucissement de la Terreur et a été guillotiné pour cela. En pensant à notre époque, est-ce que votre récit a notamment pour objectif de montrer que la République est très rapidement devenue, et n’a jamais cessé d’être, l’autre nom du maintien du pouvoir et de l’ordre ?

Vous avez raison : le passé, j’en parle au présent. Je ne redoute pas une certaine forme d’anachronisme – contrôlée, bridée, réflexive. Ce n’est pas que j’appréhende l’ancien à l’aune du contemporain : ça serait plutôt l’inverse. Je m’emploie à traiter méthodiquement le passé, comme matériau ancré, circonscrit, révolu, comme matériau offert à la science et l’examen factuel, mais je m’attache, par la littérature, à dire ce dont il était gros, à éclairer les lames de fond qu’il a charriées, les continuum qu’il a permis sans toujours savoir, alors, qu’il les permettrait. L’archive pour l’archive ne retient que raisonnablement mon attention. L’érudition sourde aux longues durées m’est assez étrangère.

Ce qui me parle, c’est la part excédante que porte un temps donné. Son ombre portée, en quelque sorte. Je ne me figure pas, là, un développement linéaire, un déroulé mécaniste, positiviste de l’Histoire, mais plutôt des amorces, des gisements, des mèches. Je tâche donc, en écrivant, d’enrayer le romanesque…

La suite est à lire sur: www.frustrationmagazine.fr
Auteur: Rédaction Frustration Mag