Le moustachu avec un bic noir [1/3]

Revoilà Fabien Drouet. Nos lecteurs ont déjà eu l’occasion de goûter la parfaite logique de ses récits absurdes. Cette fois, il entreprend de raconter une réalité d’une banalité absolue, absolument fascinante : la mort. Telle qu’il nous la décrit, elle a l’air aussi ennuyeuse, poilante et injustement gouvernée, que la vie. Il n’y a jamais assez de vin ni de cigarette, mais on y croise un sèche cheveux bleu pétrole ainsi qu’un chœur de cinquante gorilles. Heureusement, nous savons que la mort n’est rien de cela. La mort n’est rien que le rien. Raison de plus pour vivre bien, en marchant sur la tête des rois, comme nous avons répondu récemment à une pétulante dame italienne de 103 ans qui nous disait sa terreur de mourir.

S.Q.

Bonjour Daphnée, bonjour Lola !

Vous n’êtes pas sans savoir que je suis mort il y a de cela quelques jours. Deux ou trois peut-être, peut-être plus. Et si ça se trouve, je suis décédé il y a de cela des mois voire des années sans même qu’aujourd’hui je m’en rende bien compte !

C’est qu’ici, on perd un peu la notion du temps. De

l’es pa c
e

aussi.

Je suis content de pouvoir malgré tout vous écrire. Quelle aubaine d’être mort ce matin-là avec du papier et un stylo BIC noir fonctionnel dans la poche ! Ici on ne trouve rien. Tout est fermé tout le temps. Je me passe très bien de manger ou d’aller voir un film, mais le vin (particulièrement le petit blanc du matin) me manque, et il ne me reste plus que trois cigarettes.

Pourriez-vous m’en déposer un paquet (des Marlboro rouge, comme d’habitude), ainsi qu’un cubi (un blanc plutôt sec, le premier prix ira très bien) ce dimanche après-midi sur ma sépulture ? Je n’ai pas grande utilité des fleurs que vous m’offrez, et je dois vous dire que le temps qu’elles arrivent jusqu’à moi, elles ont mille et une fois fané. Et les fleurs fanées, je ne connais pas grand-chose de plus triste, de plus austère, de plus morbide. Si vous pensez franchement que j’ai besoin de ça…

Pas sûr toutefois que ces clopes et ce cubi arrivent jusqu’à moi. Les colis sont soumis au contrôle et à la fouille d’anciens de la Stasi, et ces gens-là fument et picolent comme des pompiers les soirs de bal.

Pour être franc, vous ne me manquez pas.

Il me semble qu’en arrivant ici, on nous fait subir quelque chose du genre d’un lavage de cerveau ; un grand ordinateur très bruyant et relié à des électrodes elles-mêmes branchées à des trous qu’on nous fait un peu partout dans la tête passe des tas…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin