Le musée de l’Homme compte 18,000 crânes: à quoi sert cette collection?

Le Musée de l’Homme à Paris comporte l’une des plus importantes collections mondiales de restes humains et il est utile de comprendre ce que signifie l’abondance des crânes dans cette collection de 20 000 éléments.

Quelles que soient les disciplines, les scientifiques ont, pendant plusieurs siècles, conservé leurs collections à sec. C’est encore le cas pour les plantes conservées dans les herbiers ou les insectes épinglés dans des boîtes. Jusqu’à l’emploi du formol à la fin du XIXe siècle, les collections anatomiques comportaient, de même, essentiellement les seuls éléments pouvant être préservées à sec : les os.

Chaque squelette est composé d’un peu plus de 200 os, face à ces ensembles complexes, depuis des siècles, les anatomistes ne conservent pas systématiquement des squelettes complets. Par exemple, avant l’invention de la radiologie et des IRM, ils sélectionnaient les pièces utiles à la compréhension de questions qu’ils se posaient concernant le développement du fœtus, les problèmes d’accouchement et certaines pathologies

Dès le XVIIe siècle, les médecins et anatomistes occidentaux sont également en quête d’éléments biologiques permettant de différencier « l’animal » de « l’humain » et d’identifier les supports de notre intelligence. Dans ce but, les savants de l’époque lèguent leur cerveau et leur crâne pour qu’ils soient étudiés à leur décès. La pratique est dès lors prise de tenter de définir des qualités, des pathologies, voire une prédisposition à la criminalité en comparant et mesurant les crânes des uns et des autres. De manière erronée, ces mesures sont mobilisées au XIXe siècle pour la définition de supposées races mais aussi, de manière plus objective, pour montrer à l’inverse l’unité du genre humain et apporter des arguments quant à l’évolution des ancêtres de l’Homme moderne.

La plupart des restes humains conservés dans les musées du monde sont-ils africains ?

Non, l’essentiel des restes humains conservés dans les musées proviennent de fouilles archéologiques. En France, une étude que j’ai menée de 2015 à 2017 dans l’ensemble des musées et universités, dans le cadre d’une mission interministérielle sur la gestion des collections de restes humains permet de considérer que sur plus de 150 000 restes humains présents dans les établissements publics français, au moins 100 000 relèvent de prélèvements archéologiques réalisés en France.

Plusieurs dizaines de milliers d’autres restes humains sont des éléments d’anatomie pathologique ou normale. Ceux d’origine extra-européenne, pour partie africaine, y représentent quelques milliers d’éléments, très présents au Musée de l’Homme. Mais les problématiques de la gestion des restes humains muséalisés ne sont pas quantitatives et chaque pièce mérite une attention particulière.

Pourquoi et comment ces restes humains se sont retrouvés au Musée de l’Homme ?

Son abondante collection est le produit des recherches d’anatomie médicale, d’anthropologie et de préhistoire réalisées par le Muséum national d’Histoire naturelle et son ancêtre le Jardin royal des plantes médicinales qui, avec ses laboratoires et son cabinet d’histoire naturelle, engage des collectes en France et à l’étranger, dès le début du XVIIe siècle.

Comme nous l’évoquions précédemment, les crânes ont été considérés comme des parties du squelette permettant d’identifier et comparer des traits humains, voire de manière erronée, des supériorités et infériorités supposées étayant au plan biologique des concepts racistes culturels préexistants. Pour autant, les collectes de crânes et les moulages n’étaient pas, en eux-mêmes, dépréciatifs. Les restes de personnalités y sont présentes et les collectes extra-européennes sont à recontextualiser dans une démarche d’inventaire qui ne saurait être réduite à la seule finalité raciste.

Dans cet esprit, le sentiment courant selon lequel la majorité des collectes du XIXe s’apparentent à des trophées de guerre ne correspond pas à la réalité. La majorité des crânes a été prélevée sur des squelettes d’individus décédés de manière naturelle, avant ou après leur inhumation, ce qui soulève en soi de nombreuses situations non éthiques. Mais, à l’opposé de la notion de trophée, ils sont souvent relativement…

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Auteur: Michel Van Praët, Muséologue, Professeur émérite du Muséum national d’histoire naturelle., Musée de L’Homme