Le mystère des orques qui tapent les voiliers

Pour les membres de l’équipage du « Smousse », la journée du 1er novembre s’annonçait parfaite. Un vent faible, une mer lisse, légèrement irisée par les éclats du soleil au-dessus des côtes portugaises. Après plusieurs jours de gros temps, les quatre navigateurs s’étaient autorisés à exhumer leurs romans de leurs cabines. L’après-midi devait être passé à lire « pépère » sur le pont. L’Atlantique, qu’ils prévoyaient de traverser à la voile, ouvrait ses bras.

En à peine deux heures, les plans des jeunes hommes se sont effondrés. « Vers 11 heures, je suis descendu dans ma cabine. Et là, bam, j’ai entendu un énorme bruit à l’arrière, se souvient Augustin Drion, 29 ans. J’ai passé une tête, et j’ai vu cinq ou six orques, arrivées de nulle part. » La bande de cétacés a passé près d’une heure à « secouer » le bateau, raconte-t-il. « On s’est dit qu’elles allaient finir par se lasser et partir. Mais plus ça allait, plus on entendait la coque craquer. » En tentant de passer un appel de détresse, le jeune homme a aperçu une voie d’eau dans le fond de sa cabine. Dix minutes plus tard, il pataugeait entre les banquettes trempées. Le voilier a fini par sombrer, sous le regard dépité de l’équipage secouru par un navire suédois.

Un comportement totalement inédit

Depuis le mois de juillet 2020, 239 « interactions » de ce type ont été recensées au large des côtes ibériques et françaises. La dernière a eu lieu il y a quelques jours à peine, le 25 novembre. Le déroulé de ces rencontres interespèces se ressemble : un petit groupe d’orques s’approche d’un bateau – généralement d’un voilier –, le chahute en donnant des coups de tête contre son gouvernail, puis s’éclipse entre les vagues. Ce comportement mystérieux, totalement inédit, stupéfie les spécialistes : « Quand on l’a vu apparaître, c’était une surprise, confie Paul Tixier, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Ce sont des animaux assez conservateurs, qui vivent très longtemps et se reproduisent à une fréquence assez faible. Prendre des risques n’a pas de sens, pour eux, d’un point de vue évolutif. »

Ces agissements inquiètent d’autant plus qu’ils semblent se propager au sein de la population d’orques gravitant autour du détroit de Gibraltar, estimée, dans un article scientifique de 2021, à une petite quarantaine d’individus. « Au départ, ils étaient trois à interagir avec les bateaux. Aujourd’hui, ils sont une…

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Auteur: Hortense Chauvin Reporterre