Le mythe des Brontë, source d’inspiration sans fin pour la culture pop

En son temps, George Bataille voyait dans Les Hauts de Hurlevent « peut-être la plus belle, la plus violente des histoires d’amour ». La lauréate du Prix Goncourt 2014, Lydie Salvayre qualifie quant à elle Emily Brontë d’« allumée » pour qui « l’écriture n’est pas un supplément d’existence, mais l’existence même ».

À l’occasion de la sortie française d’Emily, le premier film de la réalisatrice et actrice australienne Frances O’Connor, on peut se demander à quoi tient le phénomène Brontë. Incarne-t-il une sorte « d’absolu littéraire » ? Est-il emblématique d’une certaine idée de « l’amour en Occident » où amour de l’amour et amour de la mort se confondent ?

En réalité, point besoin de forcer la nature des Brontë. Leur romantisme farouchement « objectif », à la différence de celui prêté à tort par Hollywood à Jane Austen, ne se laisse pas aisément dévoyer. La mèche du mythe qu’elles ont allumée en leur temps n’en finit pas de se consumer dans la culture populaire, qu’elle soit cinématographique ou musicale.

Bien avant Emily, plus de 30 adaptations filmiques se sont succédé, dont celles d’André Téchiné (1978) et de Jacques Rivette (1985) : Le mythe Brontë persiste. Mais les cinéastes, quand ils ne s’y brûlent pas les ailes, affadissent souvent la charge corrosive et magnétique qui irradie à partir des œuvres.

Empowerment par la fiction

Le film de Frances O’Connor, témoin contemporain d’une incandescence nommée Brontë, ne fait pas exception à la règle : il revisite le mythe… mais trop sagement. On l’aurait voulu possédé ; il est seulement habité. Paradoxalement, Emily ne se donne même plus la peine de convoquer l’état-civil. L’élision du nom de famille apparaît ici triplement signifiante : elle désavoue la fratrie, composante pourtant essentielle des Brontë ; elle isole une individualité en la magnifiant aux dépens de ses pairs en écriture ; elle parle enfin à un public plutôt jeune ou adolescent, jouant la proximité du prénom contre le respect dû à une autrice canonique.

Dans les faits, le film sacrifie tout au mythe, au prix de nombreux coups de canif dans le pacte biographique passé avec les spectateurs.

Tordant les dates et bousculant la chronologie des parutions, inventant une histoire d’amour…

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Auteur: Marc Porée, Professeur émérite de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSL