« Le Parlement européen est miné par les lobbies de la pêche industrielle »

Claire Nouvian est la présidente et fondatrice de l’association Bloom, qui milite en faveur de la protection des océans et contre les techniques de pêche destructrices.


Reporterre — Ce mardi 3 mai va se dérouler une bataille au Parlement européen à Strasbourg sur les techniques de pêche autorisées dans les aires marines protégées. De quoi s’agit-il ?

Claire Nouvian — Les eurodéputés vont voter sur un rapport d’initiative, « Vers une économie bleue durable au sein de l’Union ». Ce n’est pas encore une loi, mais une première étape puisqu’un rapport d’initiative demande à la Commission européenne de se saisir des questions qu’il soulève. Dans ce rapport, un amendement adopté par les commissions de la pêche et du développement prévoit d’interdire le chalutage de fond dans les aires marines protégées.

Actuellement, bien moins d’1 % des eaux européennes sont strictement protégées. Ce sont les no take zone [« zones où l’on ne prend rien »], où les activités humaines sont interdites. En France, elles représentent 0,005 % du territoire maritime le long de la Manche, de la Mer du Nord et de l’Atlantique, et 0,094 % de la Méditerranée.

Le reste des aires marines protégées ne le sont en réalité pas du tout. Tout y est possible — pêche intensive, activités industrielles extractives, etc. Une étude scientifique publiée en 2018 dans la revue Science montre même que 59 % des aires marines protégées sont soumises à un chalutage commercial, que l’intensité moyenne du chalutage dans ces aires est au moins 1,4 fois supérieure à celle des zones non protégées et que l’abondance des espèces sensibles — requins et raies notamment — a diminué de 69 % dans les zones fortement chalutées. Globalement, la situation est catastrophique. 43 % des stocks des poissons sont surexploités en Atlantique-Nord, et jusqu’à 83 % en Méditerranée. Il faut aussi se représenter la taille des chaluts, leurs énormes filets lestés de chaînes et leurs immenses panneaux métalliques. Ils sont traînés dans les sédiments, y délogeant le carbone qui y est naturellement stocké, et attrapent tout ce qu’ils croisent, sans aucune sélectivité. C’est comme si, en arboriculture, au lieu de cueillir les pêches ou les abricots sur les branches, vous abattiez les arbres avec des bulldozers !

L’Union internationale pour la conservation de la nature [UICN] et même la stratégie européenne de biodiversité pour 2030 indiquent ainsi qu’aucune activité de pêche…

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Auteur: Émilie Massemin (Reporterre) Reporterre