Le plus vieux discours écolo enregistré refait surface

Le son grésille, craque, siffle, puis une voix se fait entendre. « Messieurs, j’ai l’intention de communiquer, dans le courant de l’année, une étude sur l’action géologique de l’homme. L’animal subit complètement l’influence du milieu, l’homme change son milieu. Quels sont les effets de ces changements ? » À Paris ce 16 décembre 1902, devant le phonographe Columbia du Dr Léon Azoulay, un de ses amis de la Société d’anthropologie de Paris, l’ancien ministre des Travaux publics Yves Guyot enregistre, sans le savoir, un document d’une valeur « historique inestimable ». Au service Son de la Bibliothèque nationale de France (BNF), Pascal Cordereix s’interroge toujours quant à ce rouleau redécouvert il y a quelques années seulement. « Il n’y a aucune mention dans nos archives de l’arrivée de ce rouleau. D’habitude, il y a toujours un courrier, une lettre, quelque chose. Là, il n’y a absolument rien, c’est très mystérieux. »

L’enregistrement se poursuit par une litanie de constats et une question de ce polémiste et homme politique. « Tantôt [l’Homme] améliore le sol sur lequel il agit, d’autres fois il le détruit, ici il anéantit des forêts, là il épuise l’acide phosphorique des sols. Depuis un siècle il fouille les mines avec une activité qu’il n’avait jamais eue. Quel est l’état des changements produits ? » Ce constat et ces interrogations résonnent étrangement aujourd’hui. Le propos est dérangeant de modernité et surprenant de lucidité. Cent-vingt ans plus tard, nous mesurons amplement « les effets de ces changements ».

Aux origines de la prise de conscience écologique

En 1902, l’époque n’est pas vraiment à l’écologie. Pour Yves Guyot, fervent partisan du libre-échange, l’heure est encore au développement de la société industrielle, du progrès de la science sur la nature et de la colonisation. « Les idées ne sont pas nouvelles en 1902, nuance cependant Patrick Matagne, auteur du livre Aux origines de l’écologie (éd. CTHE). On ne peut pas parler de lui comme d’un visionnaire, car ce sont des problématiques qui étaient déjà travaillées depuis longtemps dans les milieux informés. »

Aux États-Unis, le diplomate et philosophe George Perkins Marsh a publié dès 1864 son livre Man and Nature, où il alertait déjà sur la « surexploitation des forêts », et ces problématiques émergent aussi en France et outre-Rhin. « On pourrait même remonter au début du XIXe siècle avec le naturaliste Alexander von…

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Auteur: Tudi Crequer Reporterre