Le poème, zone de turbulences

Que conspirent des enfants quand ils jouent, s’ennuient ou semblent divaguer ? Peut-on écrire un poème matérialiste avec des voix-poltergeist ? Voici quelques-unes des questions que pose le dernier livre d’Amandine André, Aberrants & dinosaures, paru aux éditions EXC.

Il y a la voix de l’enfant turbulent parce qu’il s’ennuie en classe, celle de l’enfant qui ouvre les lettres de sa voisine et rêve devant les clips de Kalika ; la voix de celui qui met du poivre dans sa bouche pour éviter que les monstres ne l’envahissent, etc. Des voix multiples émergent dans des lieux concrets et dessinent le portrait polyphonique d’une enfance qu’on dirait subalterne : une enfance qui survit comme elle peut malgré les bus qui ne passeront peut-être plus, les services publics qui se délabrent, les adultes qui ne comprennent rien (ou qui ne veulent plus comprendre) et la paupérisation galopante dans le « salon qui se trouvait dans un appartement qui se trouvait dans une tour qui se trouvait dans un quartier de blocs de béton. »

« Dans une chambre noire tout le monde parle ». C’est d’abord une donnée matérielle et sociale. Dans la chambre du HLM les cloisons sont trop minces : « C’est le problème avec les idées et les images qui sont comme des musiques, celles du voisin débarquent souvent sans crier gare. Une question d’épaisseur des murs ». C’est une aussi une affaire de dispositif scriptural. Cela tiendrait à l’agencement matériel de la page : le poème devient ce volume, une chambre peut-être, et aux cloisons assez minces pour laisser filtrer ces voix venues du dehors. Et chacune d’elle demeure singulière et anonyme, comme prononcée dans le noir le plus complet. On entend des voix, mais à aucun moment nous ne pourrons les associer à un type physique, à l’image d’une silhouette ou d’un visage bien précis. Et pourtant elles demeurent uniques. Une tonalité qui leur est propre, une allure…

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Auteur: dev