Le principal ennemi du pouvoir, c'est la vie et son insolente liberté

Raoul Vaneigem est écrivain. Depuis le Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations (Gallimard, 1967), un des livres qui ont nourri la révolte de Mai 68, il a publié une quarantaine de livres, dont les plus récents sont : La liberté enfin s’éveille au souffle de la vie (Le Cherche Midi, 2020), qui rend hommage aux « Gilets jaunes et à l’insurrection de la vie qu’ils ont initiée », et L’Insurrection de la vie quotidienne. Textes et entretiens (Grevis, 2020), dédié aux « insurgées et insurgés qui, dans le monde entier, luttent pour libérer la vie et l’être humain de la dictature mortifère du profit ».


Le crime contre l’humanité est l’acte fondateur d’un système économique qui exploite l’homme et la nature. Le cours millénaire et sanglant de notre histoire le confirme. Après avoir atteint des sommets avec le nazisme et le stalinisme, la barbarie a recouvré ses falbalas démocratiques. De nos jours, elle stagne et, refluant comme un ressac dans une passe sans issue, elle se répète sous une forme parodique.

C’est ce ressassement caricatural que les gestionnaires du présent s’emploient à mettre en scène. On les voit nous convier benoîtement au spectacle d’un délabrement universel où s’entremêlent goulag sanitaire, chasse à l’étranger, mise à mort des vieux et des inutiles, destruction des espèces, étouffement des consciences, temps militarisé du couvre-feu, fabrique de l’ignorance, exhortation au sacrifice, au puritanisme, à la délation, à la culpabilisation.

L’incompétence des scénaristes attitrés ne diminue en rien l’attrait des foules pour la malédiction contemplative du désastre. Au contraire ! Des millions de créatures rentrent docilement à la niche où elles se recroquevillent jusqu’à devenir l’ombre d’elles-mêmes.

Les gestionnaires du profit sont arrivés à ce résultat auquel seule une réification absolue aurait pu prétendre : ils ont fait de nous des êtres apeurés par la mort au point de renoncer à la vie.

La propagation d’une mentalité carcérale

Au nom du mensonge que la propagande appelle vérité, on laisse un traitement politique et policier se substituer au traitement sanitaire que requiert le simple souci du bien commun. Nul n’est dupe du tour de passe-passe : les gouvernants dissimulent et cautionnent ainsi la mise à mal des hôpitaux publics à laquelle la cupidité les enjoint de recourir.

Colère et indignation n’ont pas fait varier la pression étatique, qui expérimente le degré d’abjection auquel la…

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Auteur: Reporterre