Le référendum d’initiative partagée, un instrument démocratique neutralisé

La proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) sur la création d’une taxe sur les superprofits soutenue par la Nupes a été rejetée par décision du Conseil constitutionnel le 25 octobre 2022. Il s’agit de la troisième tentative d’utilisation du RIP, après la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris (2019) et celle de programmation pour garantir un accès universel à un service public hospitalier de qualité (2021).

En fermant la possibilité d’organiser un RIP, la décision du Conseil constitutionnel confirme la tendance à la neutralisation de cet instrument démocratique et contribue à le cantonner dans un rôle d’arme de guérilla parlementaire.

Le juge constitutionnel devait trancher

La proposition d’une taxation des profits réalisés par les grandes entreprises à l’occasion de conjonctures défavorables (pandémie de Covid, guerre en Ukraine) remplissait la condition d’être soutenue par un cinquième des parlementaires (185) puisqu’elle a recueilli 242 signatures.

Dès lors, le Conseil constitutionnel doit contrôler le respect des dispositions de l’article 11 de la Constitution par la proposition, ce qui impose notamment de vérifier que son objet entre dans les domaines fixés par ce même article. Or, par sa décision du 25 octobre, le Conseil a estimé ce n’était pas le cas.

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Une proposition de RIP peut porter (depuis la réforme constitutionnelle de 1995) « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».

Il est clair que la proposition défendue par la Nupes ne pouvait se rattacher qu’à « la politique économique de la nation ». Or, le juge constitutionnel devait se prononcer pour la première fois sur ce point, car dans les deux précédentes décisions rendues à propos d’un RIP, le juge avait reconnu que les propositions entraient dans le champ de l’article 11 puisqu’elles avaient porté sur un service public et sur la politique sociale.

Une interprétation restrictive du domaine du référendum

Deux questions complémentaires devaient obtenir une réponse positive pour que la proposition entre dans le champ de l’article 11 : la proposition relevait-elle du domaine « économique » ? Constituait-elle une « réforme » relative à une « politique » ?

Contrairement aux constitutions italienne ou portugaise, une proposition de nature fiscale n’est pas exclue explicitement par la constitution française. Le juge constitutionnel n’a d’ailleurs pas écarté explicitement un tel type de proposition, pour autant qu’elle s’insère dans une réforme relative à une politique.

En revanche, le juge a estimé que la proposition ne constituait pas une « réforme » relative à une « politique » car elle se limitait à « abonder le budget de l’État par l’instauration… d’une mesure qui se borne à augmenter le niveau de l’imposition existante des bénéfices de certaines sociétés » et avait seulement un caractère temporaire (« jusqu’au 31 décembre 2025 »).

Plus largement, on peut considérer que le juge retient une interprétation restrictive du domaine du référendum, s’écartant du principe de l’article 3 de la constitution selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».

Une procédure ramenée au rôle d’arme de guérilla parlementaire

La décision du 25 octobre 2022 contribue à cantonner la procédure de l’article 11 à une manœuvre parlementaire. Elle participe à installer la procédure de dépôt d’une proposition de référendum dans une logique d’opposition politique à l’exécutif.

Autrement dit, le dispositif mis en place à l’article 11 pourrait apparaître en pratique comme une compensation de la

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Auteur: Jean Fougerouse, Maitre de conférences en droit public, Université d’Angers