Le refus de la résignation

© Christophe Raynaud de Lage

Lorsqu’on prend place dans la salle Serreau du Théâtre de la Tempête, le cadre est posé. Les murs sont cernés d’écrans où vont défiler durant de longues minutes les différentes étapes de la chaîne d’un abattoir de volailles. Des poulets entiers ou découpés, dépecés, écrasés, empaquetés. Des poussins précipités, à peine leur coquille cassée, vers des broyeuses. Des images en boucle jusqu’à la nausée. On est à la Générale Armoricaine, l’usine agroalimentaire de Châteaulin, dans le Finistère. Mais, au bord du dépôt de bilan, elle va fermer. Et plus de deux mille ouvriers vont être licenciés. Le secrétaire d’État à l’industrie est venu, avec sa conseillère ministérielle, tenter de calmer ces hommes et ces femmes sonnés qui ne veulent pas se résigner. Il va être séquestré, et l’usine occupée.

Adapté et mis en scène par Anne-Laure Liégeois, Des châteaux qui brûlent, le roman de quelque quatre cents pages d’Arno Bertina, paru en 2017, qui analyse l’horreur économique mondialisée, garde toute sa force de frappe. Ses oscillations entre fiction et réalité se révèlent particulièrement éloquentes au plateau. Ses nombreux personnages, une mère de famille sans qualification, une autre déjà grand-mère, un ex-chômeur, un délégué CGT désabusé, un passionné de jazz… ont des visages et une parole qui ébranlent. Dans ce spectacle choral, les douze comédiens (Alvie Bitemo, Sandy Boizard, Olivier Dutilloy, Anne Girouard, Fabien Joubert, Mélisende Marchand, Marie-Christine Orry, Charles-Antoine Sanchez, Agnès Sourdillon, Assane Timbo, Olivier Werner, Laure Wolf) sont au diapason, à la fois singuliers et totalement ensemble. Ils construisent à vue le passage d’un atelier d’ouvriers dont les regards se croisaient à peine, rivés à leurs gestes répétitifs, à celui d’un collectif de camarades découvrant dans la lutte, non…

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Auteur: Marina Da Silva