Le régime péroniste, racine du déclin économique de l’Argentine

Il y a un peu plus de 50 ans, le 17 novembre 1972, Juan Domingo Perón débarque à la surprise générale d’un vol Alitalia sur le tarmac de Buenos Aires. Mis au défi de fouler à nouveau le sol argentin par le général Alejandro Agustín Lanusse alors à la tête du pays, et ce afin de se présenter aux élections à venir, l’ancien chef d’État (1946-1955), contraint à l’exil mais profitant des relatives marques d’ouverture du clan rival, faisait son grand retour, objet d’un livre récent du journaliste Pablo Mendelevitch. Il retrouvera la présidence du pays le 12 octobre 1973, qu’il laisse à sa mort quelque mois plus tard le 1er juillet 1974.

Récemment, l’Argentine a célébré, comme chaque 17 novembre le « Día de la militancia », jour de la militance, en mémoire de l’« opération retour » par laquelle les militants ont permis la réapparition au pays de ce personnage toujours autant influent que clivant. Preuve en est la sortie de l’actuel président, Alberto Fernandez, qui, pris dans une polémique avec le fils de sa vice-présidente du même camp, Cristina Kirchner, répond :

« Perón nous apprend que lorsqu’un camarade parle mal d’un autre, il cesse d’être péroniste ».

Les passages au pouvoir de cette dernière et de son mari Nestor ont pu d’ailleurs volontiers être qualifiés de « néo-péronisme ». Sa condamnation le 6 décembre à six années de prison assorties d’une interdiction à vie d’exercer un emploi public n’en finit pas d’animer le débat public. Le Président lui-même dénonce ce qu’il considère comme la condamnation d’une innocente.

Personnage majeur de l’histoire politique auquel on continue de se référer en bien ou en mal, instigateur du « justicialisme », celui que ses opposants avaient fini par surnommer « Pocho » semble également avoir laissé une trace indélébile dans l’histoire économique du pays. Pas forcément pour le mieux. Pour le dire avec des mots d’économistes, il s’agirait d’un « moment critique » toujours influent par un phénomène de « dépendance de sentier ». C’est la conclusion que nous tirons d’un papier de recherche publié récemment.

Au début du XXe siècle, l’avenir de l’Argentine semblait radieux. On parlait même de « miracle argentin » et l’on prête cette phrase, sans doute apocryphe, au prix « Nobel » d’économie Simon Kuznets : « dans le monde, il y a quatre types de pays : les pays développés, les pays sous-développés, le Japon et l’Argentine ». Pays bien intégré à l’économie mondiale, aux avantages comparatifs certains, où la démocratie semble relativement solide, à la politique d’éducation jugée exemplaire par une note de l’OCDE et aux investissements pertinents, il suit, au moins jusqu’à la crise des années 1930, une dynamique de croissance remarquable.

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

Aujourd’hui, les difficultés sont légion et le pays peine à renouer avec les promesses passées. Il y a notamment eu, au début des années 2000, une terrible crise économique. Plus proche de nous, la crise du Covid a davantage impacté l’Argentine que ses voisins, avec un taux de pauvreté passant de 35,5 à 42 % au cours de l’année 2020 selon l’institut national des statistiques et une inflation en 2021 de l’ordre de 50 %.

La question de savoir ce qui en un siècle a mal tourné fait l’objet d’une grande attention de la part des chercheurs : les causes de ce déclin et les explications à ce paradoxe argentin restent un sujet de débat intense.

Changements institutionnels

Une source majeure, si ce n’est la principale, pour expliquer la dynamique économique d’un pays réside dans la qualité de ses institutions. C’est une des leçons que l’on peut tirer des travaux du « Nobel » Douglas North, repris ensuite par Dani Rodrik encore Daron Acemoglu et James Robinson. Ces deux derniers, professeurs respectivement au MIT et à l’université de Chicago, mettent notamment en évidence les destinées différentes des anciennes colonies selon le modèle imposé par les métropoles, qu’il repose ou non sur l’extraction de ressources naturelles.

Juan Bautista Alberdi, père de la Constitution de 1853.

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Maximiliano Marzetti, Assistant Professor of Law, IÉSEG School of Management