Le retour

À travers des forêts de symboles, la langue cultive des signes qui ne trompent pas. Ils sont autant de prises auxquelles nous raccrocher pour ne pas sombrer dans l’abîme du non-sens. Comme des échos silencieux, ils répètent au cœur même de la répétition afin de se rendre inaudibles et perpétuent ainsi, sourdement, leur signification : si tout se répète, alors tout est à redire.

« … C’est une œuvre comme il en pourrait surgir au début d’une littérature, si tout ne finissait, au contraire, par les commencements. »
Mallarmé, Ecrits sur le Livre

J’entends dans « le retour » un(e) équivoque heureux(se) : « l’heureux tour » en somme, d’où l’on revient changé. En ce sens il n’y a pas de retour malheureux. Seul demeure malheureux celui qui ne retourne pas ; celui qui du retour se détourne. Après, bien sûr, on peut parfois conclure à l’infortune d’un retour précipité, ou d’un retour qui tarde. C’est une erreur. Car d’où l’on ne vient pas, l’on ne retourne point. Comment pourrait-il seulement prétendre au retour, celui qui n’est allé ? Il faut nouer l’extrémité de l’arc avant de tendre vers l’autre le fil, et de là espérer, pourquoi pas, tirer sa flèche.

Je vois aussi dans le retour le signe d’une impuissance. L’impuissance d’aller sans fin, d’abord. Mais également l’impuissance de dire sans « re » — je veux dire dire sans redire. Car au fond, que puis-je dire qui n’ait été tant de fois rabâché par d’autres ? Et croyez-le ou non, ce « je » parle pour tous les autres !

Ce texte est une invitation à penser ces re, re, re qui reviennent sans cesse, comme ça, préfixant le sens.

Avec « re » on redouble l’action ; on répète, on rebondit, on repousse ; on relève, on replie, on redresse ; on redescend ou on remonte ; on referme. On raccommode aussi, on rajuste, on raccorde ; on ressemble et on rassure ; on rassemble et on ressent ; on renaît ! Et finalement, chaque fois qu’on « re » quelque chose, on rend. Car tout est là, déjà, dans ce simple geste.

Rendre est la merveille qui fait merveille ; comme la loi des lois qui toujours en silence exige, rappelle et ravive la plaie brûlante de ce qui renouvelle : la lave, le feu, le soleil. Les circonvolutions astrales montrent la voie, mais l’idiot regarde l’heure… C’est qu’en marquant le Temps, l’aiguille déboussole ! Elle trace droit dans l’esprit une direction, un sens réputé « bon » qu’elle décline à toute chose jusqu’à régler,…

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Auteur: lundimatin