Le revirement du gouvernement britannique face aux marchés : une perspective historique

Fin septembre, la livre sterling a récemment connu une chute spectaculaire. Le gouvernement fraîchement élu de Liz Truss voulait faire un cadeau fiscal aux plus riches britanniques. Le mini budget présenté avec chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng, le 23 septembre dernier, visait à réduire le taux d’imposition pour les revenus supérieurs à 150 000 livres sterling. Mais le gouvernement est revenu sur sa décision le lundi 3 octobre. Cela s’est produit après une révolte croissante des députés conservateurs, mais aussi un effondrement massif de la livre sterling.

Le 26 septembre, la devise anglaise a ainsi atteint son point le plus bas par rapport au dollar américain depuis 1792, c’est-à-dire depuis que le dollar est une monnaie (voir le graphique ci-dessous). La livre a progressivement perdu du terrain par rapport au dollar depuis l’entre-deux-guerres. Le passage d’un large empire à un pays plus modeste explique en partie cette baisse constante. Le Brexit a également entamé davantage la crédibilité de la livre sterling. Au bilan, une partie de la baisse de la livre sterling est due aux fondamentaux de l’économie britannique en perte de vitesse, et plus récemment à cette annonce du mini-budget.

Un regard sur l’histoire nous donne des leçons utiles. Le marché des changes n’a jamais aimé les changements de politique budgétaire au Royaume-Uni. Historiquement, cependant, les marchés ont surtout réagi de manière négative aux élections de nouveaux gouvernements travaillistes (ou Labour).

Une crise des changes d’origine gouvernementale

Harold Wilson, premier ministre britannique de 1964 à 1970, l’a appris à ses dépens. À peine élu en 1964, les marchés des changes pensaient qu’il allait dévaluer la livre et s’engager dans une politique budgétaire plus expansive. Et il a dû passer la majeure partie des premières années de son mandat à convaincre les marchés des changes qu’il ne dévaluerait pas, au lieu de mettre en œuvre son propre programme politique. Il s’en est plaint dans son autobiographie :

« Ce livre est le bilan d’un gouvernement dont la vie, à l’exception d’une année, a été dominée par un problème de balance des paiements dont nous avons hérité et qui était proche de la crise au moment où nous sommes entrés en fonction ; nous avons vécu et gouverné pendant une période où ce problème rendait facile et profitable une attaque spéculative frénétique contre la Grande-Bretagne. »

C’est ainsi que les marchés ont généralement considéré les dépenses excessives du Labour. Les gouvernements conservateurs n’ont généralement pas déclenché de crises, en tout cas jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est un gouvernement conservateur qui a conduit à un effondrement de la livre et c’est une nouveauté.

Le premier ministre britannique Harold Wilson (à gauche) en…

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Auteur: Alain Naef, Lecturer, Sciences Po