Le roi est assis — Jean-Luc Mélenchon

Ce huit août, l’Histoire en Colombie se racontait comme une nouvelle de Garcia Marquez à propos de Simon Bolivar.

Ce dimanche-là, le nouveau président élu, Gustavo Petro, entre dans son mandat présidentiel sur la place centrale de Bogota. La place Simon Bolivar. Des dizaines de milliers de gens se trouvaient rassemblés, soigneusement répartis entre la tribune officielle et le parterre où les ambassadeurs et les invités étrangers avaient aussi chacun leur espace. Le soleil implacable coulait sans relâche sur toute chose, les laissant suffoquées et gluantes. C’est le moment où l’on cuit debout. On attendit beaucoup. Longtemps. Puis encore entre chaque phase de la cérémonie. Mais pourquoi se plaindre ? Ce moment-là est unique. Pour la première fois depuis un siècle, la gauche prend la présidence du pays. Le public est alors bon enfant. C’est-à-dire tellement partie prenante ! Ici, chacun sait ce qu’il vit à cet instant. Le voici donc applaudissant, criant et même huant parfois, comme un public jouant le rôle du public pour chaque scène jouée sur cette grande scène de la place centrale. Du coup, ces bruyants émois surlignaient la densité narrative de la cérémonie. Sans cela, l’épisode n’aurait été qu’une image sans perspective ni couleurs. Et on ne se serait rappelé de rien pour le raconter. Ne serait resté que le blanc aveuglant du soleil épuisant tout.

Il y a eu d’abord un bon début quand Iván Duque, le président sortant, a quitté le palais présidentiel. Il venait juste de faire la passation de pouvoir officielle avec Gustavo Petro, le nouveau président. On l’a vu descendre les escaliers avec une nonchalance surjouée, peut-être seulement soucieux de se tenir droit pour être bien vu sur les photos. Il descend, plutôt lent, une marche après l’autre, flanqué d’un cortège de faces de pierre, vêtues de noir, portant lunettes noires et chaussures noires. Comme dans les films aux funérailles d’un parrain. Mais ici le parrain des parrains était resté chez lui ce jour où son royaume institutionnel s’achevait en public. Adieu la marionnette Iván Duque ! Adieu le marionnettiste Álvaro Uribe, seigneur de la guerre, père de tous les paramilitaires narco trafiquants, ami des gringos qui campent partout comme chez eux en Colombie. Oui, adieu Álvaro Uribe, reçu en grande pompe dans toute l’Europe réactionnaire jusqu’au Parlement européen en 2004 où, cependant, les députés nauséeux quittèrent la salle quand il y entra pour le laisser finalement parler seul devant plus de…

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Auteur: Jean-Luc Mélenchon Le grand soir