Le rôle étonnant de la peur chez les animaux

Il est blanc, la tête légèrement ocre. Des plumes noires prolongent ses ailes et sa queue. Son envergure dépasse 1,60 mètre. Le fou du Cap (Morus capensis), un oiseau emblématique des côtes d’Afrique du Sud, est toutefois sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le dernier recensement, en 2018, ne comptait plus que 250 000 individus et la population était en forte décroissance. En cause : la surpêche qui décime son garde-manger d’anchois et de sardines, mais aussi la présence d’un prédateur redoutable, l’otarie à fourrure (Arctocephalus tropicalis), qui bouleverse ses habitudes de vie.

Dans une étude parue début mars dans Communications Biology, une équipe internationale de chercheurs décrit comment, poussés par la peur, les oiseaux s’éloignent toujours davantage de la côte la nuit et comment certains se contentent de déchets de poissons pour s’alimenter le jour.

L’adaptation du comportement d’une population de proies potentielles à l’arrivée d’un prédateur et la réorganisation de l’écosystème est un phénomène connu des scientifiques. Ils l’ont formalisé sous le nom d’« écologie de la peur » ou de « paysage de la peur ». Le concept a été médiatisé à la suite de la réintroduction du loup dans le parc naturel étasunien du Yellowstone en 1995.

Dans une étude parue en 2001, des chercheurs ont montré que le seul changement de comportement des wapitis par crainte du loup avait eu davantage de conséquences sur leur population que la prédation elle-même. La population avait alors chuté de moitié. Autre conséquence : de larges espaces avaient été désertés par les proies potentielles des loups, laissant place à une nouvelle faune et flore. Ces effets indirects en cascade ont modifié l’ensemble de l’écosystème… « jusqu’au cours de rivières ! » écrivent les auteurs.

Des déplacements en fonction de la peur

Et le phénomène s’observe aussi en milieu marin. Dans l’étude publiée dans Communications Biology, des chercheurs français et sud-africains ont suivi les fous du Cap dans la région du Benguela, au large de l’Afrique australe. Située à la confluence de la résurgence d’eaux froides profondes et du courant des Aiguilles au large du cap de Bonne-Espérance, l’eau y est particulièrement riche en nutriments et la vie marine abondante.

Après avoir équipé les oiseaux et les otaries de balises GPS, les scientifiques ont remarqué qu’à la nuit tombée, les fous adoptent deux stratégies :…

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Auteur: Violaine Colmet Daâge Reporterre