Le roman du réel – Chronique 1

Voici, parmi mes amis, un jeune habitant du Plateau de Millevaches, un de ceux qui hantent les fantasmagories des préfètes et des maires normopathes, parce qu’il est porteur avec quelques centaines d’autres d’une critique argumentée de l’existant. C’est pourtant lui qui un jour, me fit entendre cette pyramidale idiotie : « je ne vois pas pourquoi je lirais des romans, puisque ça raconte des choses qui n’existent pas. » Cette idée si sotte ne déparerait pourtant pas avec le fond d’écran mental sur lequel s’élaborent les passionnantes constructions philosophiques de bien des normaliens et autres ex des grandes écoles du commerce qui composent une part notable du lectorat (et des contributeurs) de lundimatin. Ma propre expérience de ces milieux m’apprend en effet que ces brillants sujet ne se détachent en rien du lectorat moyen tel que le définissent les sondages : entre 20 et 50 ans, si madame lit des romans, les mâles préfèrent les documents, les essais et les livres d’Histoire.

Que l’Histoire ait été largement le produit des histoires que les humains se racontaient devrait inciter à se plonger davantage dans le fleuve infini de récits dont est faite la littérature. Pourquoi, précisément, la littérature ? Qu’il s’agisse des grandes œuvres, ou de ce que l’université appelle la « paralittérature », ou encore de la moyenne du easy reading fournissant l’ordinaire des romans de rentrée et autres prix littéraires (on aura compris que la classification ici énoncée n’est pas de moi), c’est le propre de la littérature, en toutes ses composantes, de prendre au sérieux cette aptitude à la narration qui est l’un des traits marquants de l’espèce humaine. A relier aux capacités du chasseur-cueilleur à se représenter à l’avance les mouvements du gibier en se glissant dans sa peau, et à celles du chaman à incarner des bêtes ou des esprits, l’effort pour savoir ce que ça fait…

Auteur: lundimatin
La suite est à lire sur: lundi.am