« Le Seigneur des anneaux » : Gollum aurait-il été condamné à de la prison ferme par la justice française ?

L’enseignement du droit pénal n’étant pas toujours chose aisée, j’ai opté, il y a plusieurs années déjà, pour la projection d’extraits de films illustrant les principes et infractions étudiées en cours. Devant le succès de ce nouveau mode d’apprentissage, nous avons décidé d’étendre l’étude du droit pénal à travers l’analyse de 62 films, permettant, notamment, de se demander si Gollum aurait été condamné par la justice française.

Récemment à Paris, l’irresponsabilité des auteurs d’infractions pénales a encore déchaîné les passions. Le meurtre de Sarah Halimi par Kobili Traoré, en 2017, en est l’un des exemples. Malgré le meurtre de cette retraitée par défenestration, Kobili Traoré a été reconnu irresponsable de ses faits par la chambre criminelle de la Cour de cassation pour abolition du discernement, comme cela a déjà été analysé dans un précédent article. La Cour a estimé que, si le prévenu avait bien pris volontairement et durablement des psychotropes le rendant responsable de son état psychiatrique, « les dispositions de l’article 122-1, alinéa 1ᵉʳ du code pénal, ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement. ». L’affaire Troadec est un exemple tout aussi intéressant, car il concerne non pas l’abolition du discernement, mais son altération, concernant Hubert Caouissin, ayant tué quatre personnes dans ce qui a été qualifié de folie meurtrière.

Cette question d’irresponsabilité pénale pour abolition, ou altération, du discernement, qui représentait 203 cas en 2020, s’est à nouveau posée dans le cadre du meurtre de Lola Daviet par Dahbia Benkired ; l’expertise psychiatrique a, finalement, conclu que si Dahbia Benkired souffrait d’« un trouble grave et complexe de la personnalité » et d’une « absence d’empathie et de culpabilité », elle ne souffrait « d’aucun trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou altéré son discernement ».

L’abolition du discernement n’est qu’une des causes d’irresponsabilité. Le code pénal en prévoit six autres. Et grâce à la fiction, il est bien plus aisé de les comprendre.

La contrainte irrésistible

Avant de devenir difforme et repoussant, dans Le Seigneur des Anneaux, Gollum était un hobbit du nom de Sméagol. Alors qu’il pêchait avec son cousin Déagol, celui-ci trouva l’Anneau unique qui avait été perdu par Isildur. Son pouvoir d’attraction était tel que Sméagol demanda à Déagol de le lui donner. Celui-ci refusa. Pris d’une rage incontrôlable, Sméagol l’étrangla et lui vola l’anneau. Puis il se réfugia dans des cavernes afin de ne pas se le faire dérober ; l’anneau ne cessa, depuis, d’exercer son pouvoir de fascination.

Sméagol est-il responsable de son acte ? Tournons-nous vers une première cause d’irresponsabilité : la contrainte irrésistible. L’article 122-2 du code pénal dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’emprise d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister ». Si l’infraction est bien présente, son auteur ne pourra voir sa responsabilité pénale engagée.

Il existe deux types de contrainte ou de force : physique ou morale. Chacune d’entre elles peut, également, être subdivisée : interne ou externe.

La contrainte physique externe est celle d’une force extérieure à l’auteur de l’infraction, qui le rend impuissant. Cela peut être le fait de la nature, d’un tiers… Il en va ainsi d’un militaire ne pouvant se rendre dans son régiment à l’heure impartie du fait d’une tempête. La contrainte physique interne est inhérente à l’agent. C’est le cas de l’automobiliste qui, du fait d’un problème cardiaque, perd connaissance et renverse un piéton. Dans tous les cas, la contrainte doit avoir été irrésistible et imprévisible, c’est-à-dire que l’auteur du fait doit avoir été dans l’impossibilité absolue (Crim. 8 fév. 1936) de ne pas commettre l’infraction. Une faute personnelle ne doit, par ailleurs, pas être à l’origine de cette contrainte. Comme un marin qui ne pourrait se rendre sur son bâtiment avant appareillage, car il a été arrêté pour ivresse sur la voie publique.

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Auteur: Olivier Lasmoles, Associate Professor in Law – Skema, SKEMA Business School