Le Sénat veut « bâillonner » les lanceurs d'alerte

Paris, reportage

L’ambiance était calme, les mines inquiètes. Greenpeace, Anticor, L214, La Maison des lanceurs d’alerte, le Syndicat national des journalistes… Une quarantaine de représentants de la société civile étaient réunis aux aurores devant le Sénat, le 19 janvier, pour dénoncer une « régression » de la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte. Bien emmitouflés dans leur écharpe, ils se sont succédé au micro pendant une vingtaine de minutes, dans l’espoir de « mobiliser les sénateurs », dont les bureaux commençaient tout juste à s’allumer.

Mediator, maltraitance dans les abattoirs, Luxembourg Leaks… autant de scandales qui n’auraient pas pu être révélés sans l’alerte donnée par des citoyens et citoyennes, au risque souvent d’y perdre leur travail, leur vie sociale ou leur réputation. Alors que l’Assemblée nationale avait voté, le 17 novembre dernier, une proposition de loi parmi les plus progressistes d’Europe, la commission des lois du Sénat a proposé plusieurs amendements revenant sur ces avancées. Ce 19 janvier, les lanceurs d’alerte Antoine Deltour — à l’origine du scandale d’optimisation fiscale des LuxLeaks — et l’Irlandaise Emma Reilly — qui a révélé que l’Organisation des Nations unies (ONU) transmettait à la Chine le nom de ses opposants — ont également fait le déplacement. Sous le regard des policiers encadrant la manifestation, tous ont critiqué les « attaques » à la liberté d’alerter en passe d’être votées.

Régression et inquiétudes

Premier sujet d’inquiétude : la commission des lois du Sénat propose de changer la définition d’un lanceur d’alerte. Si cet amendement est voté, seules les personnes dénonçant des délits pourront bénéficier du statut de lanceur d’alerte, et non plus celles qui signalent une « menace ou un préjudice pour l’intérêt général », comme cela était initialement prévu dans le texte voté à l’Assemblée nationale. Une telle définition priverait les personnes dénonçant les pratiques d’optimisation fiscale (qui sont légales) de la protection de l’État. « Le lanceur d’alerte n’est pas un policier, il n’est pas juste là pour faire appliquer le droit, s’est ému Antoine Deltour. Il est là pour pointer du doigt, orienter le regard de la société sur des dysfonctionnements graves qui n’ont pas encore été perçus par les législateurs. »

Antoine Deltour, qui a révélé le scandale des LuxLeaks. © Hortense Chauvin/Reporterre

Les…

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Auteur: Hortense Chauvin Reporterre