Le Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires : à l'ombre des lobbies de l'agrobusiness ? — Laurent DELCOURT

La persistance de la faim et l’ampleur des inégalités sociales, couplées aux urgences écologiques et aux prévisions de croissance démographique dans les pays les plus pauvres, rendent plus que jamais nécessaire et urgente une révision en profondeur de nos modèles agroalimentaires. Le Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires qui devrait se tenir en octobre prochain s’est précisément donné cet objectif. Débouchera-t-il sur un changement de cap ? Rien n’est moins sûr.

Septembre 2015. La communauté internationale adopte « l’Agenda 2030 ». Elle s’engage solennellement, entre autres objectifs, à éradiquer la faim dans le monde en l’espace de quinze ans. Une demi-décennie plus tard, le bilan n’est pas particulièrement flatteur. Dans son dernier rapport (2020), la FAO estime qu’environ 690 millions de personnes souffraient de la faim en 2019. Soit, plusieurs dizaines de millions de « ventres creux » en plus par rapport à 2014. Entre dix et quinze millions de plus chaque année environ. Au point que, si la tendance se poursuit « d’ici 2030, prévient une experte de l’organisation, ce nombre dépassera les 840 millions de personnes. Cela signifie clairement que l’objectif n’est pas en voie d’être atteint » (RTBF Info, 13 juillet 2020).

Et encore, ces projections ne disent rien des quelque deux milliards de personnes qui connaissent des formes plus ou moins sévères de malnutrition. Elles ne tiennent pas compte non plus – les données collectées étant antérieures – des effets en cascade de la pandémie de covid-19. Or, d’après le PAM (Programme alimentaire mondial), entre 265 et 272 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans une insécurité alimentaire aiguë d’ici la fin de l’année – soit le double des premières prévisions réalisées pour l’année 2019 – en raison de la perturbation des chaînes d’approvisionnement et, bien plus sûrement encore, des pertes de revenu occasionnées par les mesures de restriction adoptées par les différents États pour contenir l’épidémie. Lesquelles ont bien davantage touché une population déjà précarisée (paysan.nes, migrant.es, saisonniers et saisonnières, travailleurs et travailleuses du secteur informel), manquant de ressources pour tenir, ne disposant d’aucun – ou trop maigre – filet de sécurité sociale ou ne bénéficiant d’aucune aide d’urgence (Ghijselings, 2020 ; FIAN, 2020). Une étude d’Oxfam indique ainsi que les dépenses cumulées de cinquante-neuf pays à faible…

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Auteur: Laurent DELCOURT Le grand soir