Le sport est-il forcément un tremplin d’intégration sociale pour les jeunes ?

Derrière l’expression de jeunes dits « en difficulté », il existe de multiples profils de personnes âgées de 14 à 18 ans, associés à différentes catégorisations : en révolte, en voie d’insertion, en danger d’exclusion, en détresse sociale… Ces jeunes habitent dans des quartiers dits « défavorisés » où les taux de précarité, d’échec scolaire, de délinquance juvénile, de chômage sont plus élevés que dans d’autres quartiers.

Dans ces lieux, beaucoup actions s’appuyant sur les pratiques sportives ont été mises en place, en particulier dans le cadre des politiques de la ville, et elles sont présentées comme des facteurs de cohésion sociale, qui permettraient d’accrocher les jeunes et de les « re-socialiser », de les réinsérer.



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Cela invite à s’arrêter sur les discours apologétiques qui entourent le sport, cet objet ludique, réglementé et consensuel. Quelles que soient les époques, ces discours sont nombreux et s’appuient sur les valeurs supposées de la pratique sportive : respect d’autrui, respect des règles, solidarité, dépassement et contrôle de soi principalement. Mais s’impliquer dans un sport conduit-il vraiment à une appropriation de ces valeurs ? Ou, au contraire, cela ne peut-il pas aussi favoriser l’apprentissage d’un certain nombre de comportements transgressifs ?

Sport et vertus morales

Lorsqu’il est mobilisé dans la sphère sociale, le sport est présenté par les acteurs du mouvement sportif et nombre d’hommes politiques comme susceptible de développer diverses compétences, et porteur de vertus propres. Les sports collectifs, le football par exemple, amélioreraient les relations interpersonnelles. La maîtrise corporelle permettrait d’équilibrer la personnalité : connaître et gérer l’effort, canaliser l’agressivité et maîtriser ses pulsions, prendre conscience des possibilités de son corps tant au plan instrumental que fonctionnel.

Dans ce contexte, le corps serait utilisé à bon escient, la pratique étant régie par une logique de transfert de but. Le jeu sportif ne peut se dérouler que dans un milieu normé ; si le jeune ne respecte pas les règles, l’activité ne peut exister. L’apprentissage des règles du jeu permettrait la « re-socialisation » du jeune et le sport est présenté comme l’école de la vie. Les références au baron Pierre de Coubertin, prônant cet effort gratuit, dominent même si différents travaux de recherche questionnent ces croyances.

Or, de nombreuses recherches en psychologie morale appliquée au sport ont mis en évidence que la réalité est plus complexe sur les terrains de jeu et que la fin justifie souvent les moyens dès qu’il y a compétition dans un cadre institutionnalisé. Ainsi se développent des attitudes fonctionnelles à l’égard des règles qui seraient alors appréhendées comme des contraintes à maitriser, voire à détourner, pour en tirer des avantages, plus que comme des normes à respecter.

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Si la logique du jeu compétitif est tournée vers l’efficacité en matière de performance et de victoire, tricher rentrerait dans le cadre du jeu. Les comportements transgressifs sont ainsi jugés comme légitimes. Quand il y a un arbitre ou une personne qui joue ce rôle, en football par exemple, les pratiquants les invoquent également pour justifier certaines fautes qui seraient un moyen de se faire justice et permettraient de rétablir une situation perçue comme inéquitable.

De plus, la perception du climat du groupe joue un rôle essentiel dans l’appropriation ou non des valeurs promues. L’atmosphère morale correspond aux normes collectives concernant le comportement moral des membres du groupe, ces normes étant envisagées comme étant aussi importantes que celles propres aux individus. Lors des interactions entre les membres du groupe se construit ainsi une compréhension des comportements appropriés. Ces normes de fonctionnement, partagées par l’ensemble des membres, leur permettent d’évaluer des comportements comme étant ou non adéquats dans des situations données.

Les premières études dans ce domaine concernaient le milieu scolaire et…

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Auteur: Nathalie Pantaléon, Maîtresse de conférences, chercheure au Laboratoire d’Anthropologie et de Psychologie Cliniques, Cognitives et Sociales, Université Côte d’Azur