« Le travail administratif auparavant réalisé par les Caf est transféré aux usagers »

Basta! : Vous travaillez depuis des années sur le RSA. Avez-vous perçu une détérioration de la situation dans l’accès aux droits des allocataires du RSA et celles et ceux qui y ont droit mais ne le perçoivent pas ?

Nadia Okbani

Nadia Okbani est maîtresse de conférences en science politique à l’université de Toulouse Jean-Jaurès. Elle est membre du Centre d’études et de recherche Travail Organisation Pouvoir (laboratoire CERTOP).

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Nadia Okbani : Les chiffres des enquêtes de satisfaction fournis par les services de la Caf sont très largement positifs. Mais on observe que, depuis dix ans, le taux de non-recours au RSA reste stable, malgré les politiques de dématérialisation des procédures qui étaient supposées favoriser l’accès aux droits. Le rapport de la Drees de février 2022 précise qu’il y a encore 34 % des personnes qui pourraient bénéficier du RSA qui ne le perçoivent pas.

La plupart du temps, les pouvoirs publics parlent de non-recours en partant du principe que le problème est individuel. Ils posent la question “Pourquoi les gens qui pourraient recevoir un droit ne le demandent pas ?”, mais ils orientent ainsi la responsabilité de l’accès aux droits sur les publics. Alors que le problème n’est pas forcément que les personnes ne le demandent pas, c’est aussi qu’elles peinent à savoir qu’elles ont droit à une prestation, ou n’arrivent pas à l’obtenir auprès des administrations.

C’est-à-dire ?

Par exemple, pour le RSA, les travailleurs indépendants ne peuvent pas faire le test d’éligibilité en ligne. C’est donc dur de savoir si on peut ou pas le percevoir. Par ailleurs, les prestations sont parfois inadaptées au public cible. Les publics très marqués par la précarité vont avoir des situations où ils sont en emploi, sans emploi, puis en emploi, etc… Cette instabilité de l’emploi et des revenus peut générer des problèmes d’accès aux droits. Les usagers doivent parfois reformuler des demandes de prestations auxquelles ils avaient droit il y a encore quelques mois, même si les services administratifs disposent déjà de tous les éléments. Par exemple, si on n’est pas éligible au RSA pendant cinq mois pour une activité saisonnière par exemple, et que l’on redevient éligible au RSA, on est obligé de refaire une demande complète.

Plutôt que de renvoyer la responsabilité du non-recours sur les personnes, on pourrait aussi interroger ce que font les administrations pour faire en sorte que ces prestations, qui sont des…

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Auteur: Rachel Knaebel