Le ‘woke’ et le capital : l’angle mort de Brice Couturier

Dans OK Millenials ! Brice Couturier livre un travail détaillé sur les racines intellectuelles du mouvement woke en présentant ses promoteurs et ses contempteurs. Mais l’essayiste peine à comprendre l’expansion du phénomène et ne parvient pas à apprécier la nature profonde de la génération montante. À moins que cet ex-maoïste converti au capitalisme libéral ne s’entête à renier ses enfants spirituels. 

Fruit d’un long travail de documentation initialement réalisé dans le cadre d’une pastille quotidienne sur France Culture, OK Millenials ! (L’Observatoire, 2021) détaille les ressorts intellectuels du woke, phénomène sociologique et politique majeur de ce début de siècle en Occident. Ce mouvement de « justice sociale » défini par ses appétences (déconstruction, censure, antioccidentalisme…) et ses origines (French theory, cultural studies…) inspire déjà de nombreux essais critiques facilement accessibles au grand public. Manquait encore une synthèse complète telle que proposée par Brice Couturier. Ses lectures étant plutôt américaines, il conduit son exposé aux racines du mouvement woke.

De l’art de lire Bret Easton Ellis

Si le travail de Brice Couturier est minutieux, l’interprétation qu’il en tire est en revanche assez décevante. Son point de vue est résumé dans le titre : nous assistons à une guerre des générations entre boomers et milléniaux. Pour appuyer cette idée, Couturier s’appuie notamment sur Bret Easton Ellis auquel il consacre un peu plus d’un chapitre. Dans son essai White [1], Ellis procéderait, selon Couturier, à « un règlement de comptes avec la génération des millenials » critiquée comme ultra-protégée, fascinée par la glorification des victimes et persuadée d’être en « résistance » contre Donald Trump. C’est bien de cela qu’il s’agit, mais ce n’est que le point de départ de White, pas son essence.

En fait, White décrit un changement d’époque vers ce qu’Ellis nomme le « post-empire », une évolution chaotique de l’empire américain dans laquelle le quidam, plus narcissique que jamais, doit adopter des méthodes d’auto-promotion identiques à celles des comédiens en interview. Bret Easton Ellis estime que « le post-empire a fusionné avec la culture d’entreprise » qui pousse au conformisme. Il voit en Hollywood « une des enclaves capitalistes les plus hypocrites du monde », une plateforme de business où, « si vous ne suivez pas les nouveaux règlements de…

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Auteur: Pierre Bonnay