Léa et Mila : une balle et un chasseur ont bouleversé leur vie

Dans les forêts du Morvan, dans le marais poitevin, à l’Assemblée nationale… Reporterre met en avant cinq personnalités qui ont fait 2022. Voici, ci-dessous, le 3e portrait. Le 1er est ici, le 2e .


17 novembre 2022. Les plaidoiries ont emporté au loin le ciel menaçant. Quelques instants plus tôt, une horde oppressante de journalistes s’engouffrait dans l’entrebâillement de la porte en bousculant l’âme esseulée d’un policier. Elle s’est envolée. Assises sur les marches du Palais de justice de Cahors, les deux femmes sont désormais seules. Devant elles, trois corneilles s’écharpent bruyamment sur la cime d’un majestueux peuplier au ramage flamboyant. « Je suis soulagée », murmure l’aînée.

Les chemins de Léa Jaillard, 28 ans et Mila Sanchez, 27 ans, auraient pu ne jamais se croiser. Enfants des Causses du Quercy, de ses plateaux calcaires, ses falaises et ses orchidées, l’une est éditrice à Barcelone, l’autre doctorante en géographie au Pays de Galles. Pourtant, le 2 décembre 2020, sous la nuit tombante, la disparition d’un homme a lié leur destin.

Alors qu’il coupait du bois dans son jardin, Morgan Keane a été abattu d’une balle dans le thorax. Le chasseur auteur du tir a déclaré aux enquêteurs avoir cru voir un sanglier. « J’ai eu peur au début, raconte à Reporterre Sophie, la mère de Mila. Le fil entre deuil et dépression est ténu. Elles ont fait de ce drame personnel une force, un combat pour que son nom ne soit pas oublié, pour qu’il ne soit pas mort en vain. »

Morgan, ou « Moggy », c’était « un curieux mélange de Celte, de Viking, d’elfe et d’orc, avec une dégaine de punk et une âme d’artiste », décrit son meilleur ami, Ralph. Il était aussi un précieux ami de Mila et Léa : « Tu le voyais, tu te sentais aimé. » Le soir de sa mort, l’une était à l’étranger, l’autre profondément endormie : « À 5 heures, en allumant mon téléphone, j’ai découvert des tas de messages. Je ne comprenais pas de qui ils parlaient. Moggy ? C’était impossible. »

« Ébranler le colosse du lobby de la chasse »

Léa extirpe de son sac en toile une salade végétarienne Sodebo et fait sauter l’opercule. À côté d’elle, Mila ferme les yeux. Une légère brise caresse les roseaux de la mare rectangulaire en manque d’entretien.

Dès le lendemain, le drame de Moggy a fait couler l’encre dans les colonnes de la presse locale. Bon nombre de lecteurs y ont réagi avec un même sentiment amer : il fallait s’y attendre. « Au fil des commentaires, on a compris qu’il n’était pas question de la maladresse isolée d’un irresponsable, poursuit Mila. Les comportements violents des chasseurs étaient monnaie courante. Comment…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre