L'eau, bien commun accaparé par la finance

Il y a un an, le 7 décembre 2020, l’eau entrait en Bourse à Chicago. « C’était la première fois que cette ressource vitale n’était plus seulement considérée comme une marchandise qu’on peut acheter et vendre, mais aussi et surtout comme une valeur financière sur laquelle on peut spéculer », dit à Reporterre Riccardo Petrella, économiste et ardent défenseur du droit à l’eau.

Concrètement, la Bourse de Chicago et le Nasdaq ont effectué en décembre 2020 les premières transactions de contrats à terme liés à l’eau. Or sur un marché à terme, on s’échange non pas la matière en tant que telle, mais des contrats financiers pariant sur l’évolution des prix. « Ceux qui achètent et vendent ces contrats n’attendent pas la livraison physique des marchandises, mais spéculent sur la hausse ou la baisse de ces marchandises », expliquait voici un an le journaliste Antoine Costa.

Tout a commencé en Californie. Cet État produit la moitié des fruits et des légumes des États-Unis, à grand renfort d’irrigation. Or cette région subit largement les effets du changement climatique : incendies et sécheresses à répétition. « Les fleuves s’assèchent, les réserves baissent, l’eau devient de plus en plus rare, commente M. Petrella. Mais plutôt que de contraindre par la loi les agriculteurs et les industriels à économiser l’eau, les autorités s’en sont remises au marché. » En Californie, il est ainsi possible depuis plusieurs années de détenir des titres équivalents à des permis d’utilisation d’eau. Des titres que l’on peut donc vendre et acheter. « On a vu des agriculteurs vendre au plus offrant leurs titres plutôt que d’utiliser l’eau pour produire des fruits, parce que c’était plus rentable », souligne M. Petrella. Autant dire que cette marchandisation de l’eau n’a empêché ni les sécheresses ni les pénuries.

Depuis 2018, il existe aussi un indice financier, une sorte de « cours de l’eau », nommé le Nasdaq Veles California Water Index. Il est calculé sur la base des achats d’eau réalisés la semaine précédente. Le prix est exprimé en dollars par acre-pied, un volume correspondant à 1,2 million de litres. L’indice cote actuellement à 728 dollars, contre 495 dollars l’an dernier.

« On nie l’existence d’un droit à l’eau »

Mais cela ne suffisait (toujours) pas aux investisseurs. L’an dernier, ils ont donc décidé de créer des contrats à terme sur l’eau, cotés en Bourse. Officiellement, ces instruments financiers visent à…

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Auteur: Lorène Lavocat (Reporterre) Reporterre