L'écobiographie, pour « redécouvrir son appartenance relationnelle à la Terre »

Professeur de philosophie à l’université de Bourgogne, Jean-Philippe Pierron aime faire dialoguer les traditions philosophiques et les questions contemporaines, notamment dans les domaines de l’écologie, de la médecine et de l’architecture. Il a publié une douzaine de livres, dont le dernier-né, Je est un nous. Enquête philosophique sur nos interdépendances avec le vivant, est paru cette année chez Actes Sud.

Jean-Philippe Pierron Collection personnelle


Reporterre — Vous vivez près de Dijon. Quelles relations entretenez-vous avec la nature alentour ?

Jean-Philippe Pierron — Chaque samedi matin, je vais marcher deux heures, c’est ma façon de freiner. Je fais souvent la même balade parce que j’aime bien vivre les paysages au fil des saisons : les textures au sol, les humus, les senteurs, ça change tout le temps. En ce moment, les odeurs de pourri et de fermenté, les tapis de feuilles qui donnent au pas un froissé velouté, les couleurs voilées qui préparent le sommeil de l’hivernage…



Ce pourrait être le début d’une « écobiographie », concept et pratique au cœur de votre dernier livre, Je est un nous

Tout à fait, ça pourrait être une page de plus ! Comme son étymologie l’indique (de « éco », du grec oikos, maison ; et biographie, écriture de la vie), l’« écobiographie » consiste à raconter son histoire, à dire qui l’on est, sans négliger les êtres vivants non humains qui nous ont marqués, ni les milieux de vie avec leurs ambiances « géopoétiques » — autre nom d’une entente sensible et poétique avec le milieu, comme peut l’être le vin en Bourgogne… Pour résumer, l’écobiographie est un outil pour approfondir la compréhension de soi, en redécouvrant son appartenance relationnelle à la Terre.



Vous montrez à quel point nos interdépendances avec le vivant peuvent être puissantes en évoquant votre mère souffrante, notamment. Un jour, elle vous a demandé de ne pas chasser une sauterelle qui grimpe le long de la fenêtre…

Oui, comme si cette petite parcelle de sauvage, apparue au sein du contrôlé, du maîtrisé de l’hôpital, lui offrait une part de sa vitalité. J’ai retrouvé la substance de cette scène vécue dans Le Lambeau, de Philippe Lançon. Dans ce livre, le journaliste, défiguré dans l’attentat à Charlie Hebdo, raconte que les arbres qu’il apercevait depuis sa fenêtre d’hôpital l’ont aidé à tenir tout au long de ses une, deux, trois… dix interventions chirurgicales.

« La fenêtre de la chambre 111 donnait sur…

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Auteur: Reporterre