L'écologie doit nous permettre de renouer avec nos racines sensibles

Jacques Tassin est écologue au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et auteur, notamment, de Penser comme un arbre (2018) et Pour une écologie du sensible (2020), aux éditions Odile Jacob.


Nous sommes 7,5 milliards. Ils sont 3 000 milliards. Ils sont partout et mènent la danse du vivant. Notre présumée Terre des Hommes est bien plus encore la Terre des Arbres. Cette assertion n’a rien de néo-animiste, de panthéiste ou de païen. Elle ne se fonde que sur des faits.

Cette Terre, les arbres en ont façonné les sols et l’atmosphère — en fixant les excès de gaz carbonique, en l’enrichissant en oxygène extrait de l’eau, et en atténuant les variations de température et d’humidité. C’est à eux qu’elle s’est remise. C’est à eux qu’elle appartient. Et si l’hypothèse Gaïa vaut d’être posée, si la Terre est assurément dotée de propriétés homéostasiques, qui lui permettent de s’autoréguler selon un état à peu près constant, c’est d’abord aux arbres qu’elle le doit, car ces grands facilitateurs du vivant atténuent tout écart aux équilibres globaux.

L’arborescence est au cœur de la vie

L’arborescence est l’une des figures premières du monde, l’une de ses figures constitutives : on la retrouve à la fois dans les cheminements de la circulation de la sève au sein de l’arbre lui-même et au cœur de notre organisme, dans les réseaux de bronches et de bronchioles de nos poumons ou dans les réseaux de nos systèmes sanguins et lymphatiques. Une même physique des fluides y est à l’œuvre. On reconnaît aussi cette forme dans la structure même de l’évolution du vivant telle que pensée par Darwin dans son « arbre », et dans la structuration de notre pensée au contact de notre monde — ce dont s’émerveillait le philosophe Gaston Bachelard dans L’Air et les Songes.

En incarnant cette figure de l’arborescence, l’arbre est devenu la figure première du vivant, une figure libre en laquelle, observait déjà Théophraste, contemporain d’Aristote, rien n’est tout à fait prédéfini, et qui permet à la vie de se déployer, de se réinventer, mieux qu’elle ne saurait le faire dans le corps d’aucun animal.

Par la photosynthèse, cette improbable alchimie transformant la matière inerte en matière vivante, l’arbre constitue une véritable fontaine d’oxygène, de vie. Et partout autour de lui, il noue des partenariats bienveillants avec les autres formes du vivant : oiseaux consommant ses fruits et…

La suite est à lire sur: reporterre.net
Auteur: Reporterre