L'éducation aux médias et à l'information (EMI) : « grande cause nationale » ?

L’éducation aux médias, qui reste un objet à inventer dans sa traduction en termes de politique publique, donne lieu aujourd’hui à de grands effets d’annonce. Nombreux sont ceux qui veulent faire de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) un chantier prioritaire, voire même une « grande cause nationale ». Louable dessein… qui a toutes les chances de rester un vœu pieu si, dans un contexte de sous-investissement chronique dans le secteur (notamment !) éducatif, de véritables moyens ne sont pas alloués à sa mise en œuvre. Par ailleurs, l’EMI est aujourd’hui un champ de lutte, où des tensions peuvent apparaître entre les professeurs documentalistes – pionniers des apprentissages infodocumentaires à l’école –, leur ministère de tutelle (Éducation nationale) et d’autres organisations, parmi lesquelles des associations de journalistes qui semblent escompter que ce même champ poursuive sa mue en un vaste marché à investir…

Contexte

Rappelons que l’éducation aux médias, ou plutôt le renouveau des questions qui lui sont associées, est liée en France aux attentats de 2015, en particulier celui perpétré contre la rédaction de Charlie Hebdo, avant d’être alimentée par différentes initiatives et déclarations politiques en 2016. Depuis lors, elle ne cesse d’être mise en avant comme objectif éducatif prioritaire, sous l’appellation dominante d’éducation aux médias et à l’information, et comme une réponse à la crise de défiance envers les médias, que le mouvement des Gilets jaunes, la crise du Covid, ou la guerre en Ukraine ont encore aggravé.

Pour autant, et comme le constataient à juste titre le collectif « La Friche » et EDUMedias, l’EMI est aujourd’hui un marché, bardé de contraintes, de difficultés et d’injonctions contradictoires : défense de la « liberté d’expression », promotion des « valeurs de la République », développement de l’esprit critique et… « restauration de la confiance » envers les médias ».

Outre l’annonce de la suppression de la redevance audiovisuelle – qui affaiblira encore davantage l’audiovisuel public –, le premier mandat d’Emmanuel Macron s’est achevé par la publication en janvier 2022 d’un rapport, « Les Lumières à l’ère numérique », rédigé par la commission présidée par Gérald Bronner.

Dans sa lettre de mission adressée en septembre 2021, le chef de l’État, faisant le constat d’un « phénomène de déstructuration du paysage de l’information, que l’accès aux…

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Auteur: Nils Solari Acrimed