« L’élévation du drapeau à Iwo Jima », une image iconique au service de toutes les (bonnes) causes

Fin 2022, la campagne annuelle de dons de The Conversation mobilise un visuel qui cite une image instantanément familière : « L’Élévation du drapeau sur Iwo Jima » (Joe Rosenthal, 1945). L’écho de cette photographie va bien au-delà du moment de sa genèse. Devenue un porte-étendard pour de nombreuses causes, elle charrie un inconscient collectif qui en donne une clé de lecture immédiate, quel que soit le contexte de son utilisation.

Raising the Flag on Iwo Jima, Joe Rosenthal, 1945.
Wikipédia

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La campagne lancée par The Conversation à l’automne 2022 s’inscrit dans cette logique, avec un visuel fort, adapté à la situation, et qui porte intrinsèquement en lui ces deux valeurs – ça se passe maintenant, et c’est pour la bonne cause.
Mais pourquoi ce dessin si simple est-il lesté d’un tel sens ?
Et pourquoi est-ce cette image spécifiquement qui s’est imposée sous le crayon des graphistes ?

Une scène familière au premier coup d’œil

Si le message sur le drapeau est nouveau et adapté à la campagne pour laquelle l’illustration a été commandée, la posture du groupe de personnages donne un sentiment de déjà-vu. Et, en effet, depuis des décennies et partout sur le globe, cette image a été aperçue à d’innombrables reprises.

Pochettes des albums In the Army Now (Status Quo, 1986), Fight for the Rock (Savatage, 1986) et Conquest (Uriah Heep, 1980).
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Banksy, Flag, 2008.

Nous la connaissons pour l’avoir vue en couverture de disques de rock (et pas qu’une fois !), mais aussi dans des bandes dessinées, à la une de news magazines, au cœur d’affiches, de publicités ou de prospectus, trônant sur des objets du quotidien, de la canette de bière aux billets de banques (du Bangladesh, en l’occurrence), en passant par des timbres (à Grenade).

Campagnes publicitaires pour l’armée britannique, l’office du tourisme australien, une entreprise de soins gériatriques américaine et le quotidien sud-africain Die Burger.
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Des happenings la reproduisent en statue de sable, en crop circle dans des champs, au fond d’une piscine voire en sculpture à base de beurre (!)… Des artistes s’en emparent, comme Bansky en 2008 avec son œuvre Flag, pour dénoncer le culte de la victoire – de la compétition – si fort aux États-Unis, ou bien comme Benoît Vieillard, dont le dessin rend hommage à l’équipe de Charlie Hebdo, assassinée lors de l’attentat islamiste de 2015.

Le hors-série du Times consacré au réchauffement climatique (2008), la Une du Sun après les attentats de New York (2001) et la couverture du recueil annuel du journal Spirou (1973).
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Hommage à Charlie Hebdo, Benoît Vieillard, 8 janvier 2015.

Une scène de guerre née dans la douleur

Derrière ces variantes et détournements artistiques ou lucratifs, se trouve une photographie prise le 23 février 1943 sur une île du Pacifique par l’Américain Joe Rosenthal – il obtiendra le prix Pulitzer pour ce reportage en 1945.

L’élévation du drapeau survient au terme d’une bataille particulièrement meurtrière (20703 morts et 1152 disparus côté japonais et 6821 morts, 492 disparus et 19189 blessés côté…

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Auteur: Joan Le Goff, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)