A peine l’alarme-Covid commençait-elle à se calmer que retentissaient les sirènes de la guerre. On peut interpréter cette coïncidence comme un enchaînement délibéré manigancé par les Maîtres du Monde et destiné à asseoir un peu plus leur pouvoir, ou essayer de comprendre cette succession comme la manifestation d’une continuité, comme la réapparition sous une autre forme de ce qui oriente l’action des dirigeants bien davantage qu’ils ne l’orientent : une convergence de crises derrière lesquelles se trouve la crise du mode de production capitaliste. Crise de la biosphère, crise de gouvernance, crise des échelles de souveraineté : ce qui lie toutes ces crises c’est peut-être une crise générale de la seule vraie richesse, les relations humaines.
La « crise sanitaire » a peut-être été d’abord une crise du sens et de la sensibilité. Il ne s’agit pas de psychologie. Ou en tout cas, les catégories de la psychologie à elles seules ne peuvent rendre compte de la difficulté croissante des humains à se mettre en relation pour produire leur propre vie.
Que le retour de la guerre en Europe ait été décidé par un homme qui donne un sens particulièrement impressionnant à la notion de distanciation sociale n’est sûrement pas anodin. Ce spectacle follement caricatural mais volontairement mis en scène, d’un chef seul parlant à ses subordonnés perdus au bout d’une table interminable en dit certes beaucoup sur le psychisme du despote, sa peur maladive de la maladie, sa phobie du contact. Elle explique sûrement en partie qu’il ait pu à ce point se blinder dans une vision du monde si manifestement décalée, non seulement de celle de l’Occident, mais aussi de celle de la majorité de ses concitoyens. Car combien de Russes croient vraiment à ses fariboles sur l’Eurasie, la supériorité de l’homme russe, combien adhérent à son goût de la guerre ? Sans doute pas plus que de soviétiques qui, dans les années 80, croyaient au discours officiel « socialiste » toujours tonitrué. On a évoqué la notion de Chinamérique pour décrire la continuité civilisationnelle entre les deux superpuissances qui dominent le monde, mais on pourrait aussi bien parler de Russamérique pour désigner l’adhésion de larges fractions des populations russes à une société de consommation extractiviste stimulée par une technoscience en roue libre.
Paradoxe d’un rêve qu’éclaire la lumière d’une étoile agonisante : en Russie comme ailleurs, dans cette classe moyenne sur laquelle le…
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Auteur: lundimatin