L'empire universel (des Blancs)

Une enseignante d’histoire géographie nous a transmis ce texte sous forme de témoignage : à la veille de la rentrée des classes, elle doit préparer un cours portant sur le rayonnement international de la France.

Le programme que doivent suivre les professeurs de l’Education Nationale leur indique la marche à suivre : mettre en avant les chiffres de la francophonie, parler du soft-power, bref, utiliser de nouvelles notions pour parler de phénomènes qui prennent leurs racines dans une histoire plutôt longue. L’occasion donc pour l’auteure de démêler toutes les hypocrisies dont regorgent les discours sur l’universalisme républicain à la Française, sous la forme d’une leçon d’histoire, remise en contexte, sur le plan littéraire, politique et personnel. Bonne lecture.

« On mettra tout au tricolore, les plats du jour et les rubans, pendant que le héros Pandore fera fusiller nos enfants »

Jean-Baptiste Clément, La semaine sanglante

« J’ai le sang mêlé, un peu colon un peu colonisé »

Médine, Alger pleure

Qui suis-je ? J’ai le droit de vous le dire à vous, chers lecteurs, chers lectrices. Je suis métis et noueuse, hésitante. Entre les deux rives de la méditerranée, je suis une citoyenne du monde. La belle histoire. Une histoire touchante que mon entourage bourgeois s’est empressé de raconter, que la république s’empressera de collectionner. Kabyle ? Ah !! Et tu le parles ? Berbère et bretonne, qui peut rivaliser avec ça ?

Français.e ou presque et on devient touchant.e. Lorsqu’on a en poche un passeport rouge et des économies, on peut traverser la méditerranée dans les deux sens. Plusieurs fois, j’ai pu y rencontrer ma famille, les terres de mon grand-père, confisquées par les colons.

Pour certains et certaines d’entre eux qui y sont né.e.s, ils ne peuvent pas faire ces rencontres. Ils doivent d’abord montrer pattes blanches, mériter le droit de circuler pour avoir une double culture. Sauf à s’y noyer, ça ne sert à rien de tenter de traverser la mer.

Ce sont des sans-papiers. Puis, une fois débarrassé.e.s de leur passé, de leurs odeurs et de leurs couleurs, iels deviennent français et méritant.e.s. Iels ne sont plus reconnu.e.s par les leurs. Sauf à s’y perdre, ça ne sert alors plus à rien de traverser la mer.

Ce sont des exilé.e.s. Ne disons pas Indigènes, ce serait impropre et polémique.

Et moi, qui suis-je ? Je n’ai pas le droit de vous le dire, cher.es élèves, car je suis une enseignante de la République, fonctionnaire, neutre,…

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Auteur: lundimatin