L'enseignement numérique ou le supplice des Danaïdes

[Illustration : Emmanuel Tussore, Study for a soap, 2019 (capture écran – vue de l’installation Study for a soap, WRO Media Art Biennale 2019)

Les plateformes numériques d’enseignement ne datent pas de la série quasiment continue de confinements imposés aux universités depuis mars 2020. Enseignante en géographie à l’Université Grenoble Alpes, je constate le développement croissant d’« outils numériques d’enseignement » dans mon cadre de travail depuis plus d’une dizaine d’années. En 2014, une « licence hybride », en grande majorité numérique, est devenue la norme à Grenoble et à Saint-Étienne dans les études de STAPS, sciences et techniques des activités physiques et sportives. En 2020, tous mes enseignements sont désormais numériques à la faveur de l’épidémie. Preuves à l’appui, ce texte montre que le passage total au numérique n’est pas une exceptionnalité de crise mais une aubaine inédite d’accélération du mouvement de numérisation global de l’enseignement supérieur en France. La souffrance et les dégâts considérables que provoque cette numérisation de l’enseignement étaient aussi déjà en cours, ainsi que les résistances.

Une politique structurelle de transformation numérique de l’enseignement supérieur

La licence hybride de l’UFR STAPS à Grenoble, lancée en 2014 et en majorité numérique, autrement dit « à distance », est une des applications « pionnières » et « innovantes » des grandes lignes stratégiques du ministère de l’Enseignement supérieur en matière d’enseignement numérique définies dès 2013. C’est à cette date que la plateforme FUN -France Université Numérique-, financée par le Ministère, a été ouverte, regroupant des MOOC – Massive Open Online Courses – ayant pour but d’« inciter à placer le numérique au cœur du parcours étudiant et des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche » sous couvert de « démocratisation » des connaissances et « ouverture au plus grand nombre ». De fait, la plateforme FUN, gérée depuis 2015 par un GIP – Groupe d’Intérêt Public -, est organisée autour de cours gratuits et en lignes, mais aussi de SPOC -Small Private Online Course- diffusés par deux sous-plateformes : FUN-Campus (où l’accès est limité aux seuls étudiant·e·s inscrit·e·s dans les établissements d’enseignement qui financent et diffusent les cours et doivent payer un droit d’accès à la plateforme) et FUN-Corporate (plate-forme destinée aux entreprises, avec un…

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Auteur: lundimatin