« L’envers des mots » : Cliométrie

Patronne de l’histoire, Clio, fille de Zeus et de Mnémosyne, est l’une des neuf Muses célébrées par Platon comme intermédiaire entre le dieu et le poète. Née de l’association entre Clio et l’art de la mesure (« métrie »), la cliométrie représente le point de rencontre entre le « monde des idées » et le « monde des sciences ». Concept inventé par l’économiste Stanley Reiter alors qu’il collaborait avec les historiens de l’économie Lance Davis et Jonathan Hughes, la cliométrie vise à réunifier l’histoire et l’économie, plus modestement à inspirer les sciences humaines et sociales.

En mobilisant des archives historiques, en construisant et en révisant des bases de données, en s’imprégnant de l’histoire, du célèbre wie es eigentlich gewesen ist (en français, « comment les choses se sont réellement passées ») de Leopold Ranke, comme creuset pour examiner la théorie économique, la cliométrie a approfondi notre connaissance collective du « comment », du « pourquoi » et du « quand » les changements économiques se produisent.

En 1993, la discipline atteint son apogée avec l’attribution du prix Nobel de science économique à Robert Fogel et Douglass North, salués comme

« pionniers de la branche de l’histoire économique que l’on a appelée la “nouvelle histoire économique”, ou cliométrie, c’est-à-dire la recherche qui combine la théorie économique, les méthodes quantitatives, les tests d’hypothèses, les alternatives et les techniques traditionnelles de l’histoire économique, pour expliquer la croissance et le déclin économiques ».

Aujourd’hui, la cliométrie est bien plus qu’une simple communauté de chercheurs. Telle une projection quantitative des sciences sociales dans le passé, c’est une approche originale de production de connaissances qui, à l’instar du travail de Fernand Braudel dans La dynamique du capitalisme, appréhende avec la plus grande attention le temps court (l’histoire des grands événements), le temps intermédiaire (l’histoire de la conjoncture et des crises) et le temps long (l’histoire massive et structurale évoluant lentement au fil de la longue durée). Cette mise en perspective se place dans la lignée des travaux fondateurs de Simon Kuznets, prix Nobel de science économique, directeur de thèse de Robert Fogel.



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Auteur: Claude Diebolt, Directeur de Recherche au CNRS, UMR BETA, Université de Strasbourg