« L’envers des mots » : Écocide

Depuis 1810, le Code pénal dispose de l’interdiction de certains comportements qui peuvent porter atteinte à trois matérialités : les personnes (Livre II), les biens (Livre III) et l’État (Livre IV). Ainsi, quiconque enfreint un interdit posé par la loi s’expose à des sanctions… L’objectif est triple :

  • anticiper les comportements que l’on souhaite éradiquer de la société en brandissant le glaive de la justice (vertu préventive de la peine) ;

  • sanctionner ceux qui franchissent le Rubicon malgré la menace (vertu réparatrice de la peine) ;

  • éduquer les délinquants aux fins d’éviter la récidive (vertu pédagogique de la peine).

Ainsi le droit pénal a la lourde tâche de fixer des limites à nos actions : ce que la société accepte, tolère et rejette. Et c’est donc naturellement, au cœur d’un anthropocène théorisé et assumé, que la question des atteintes portées à l’environnement a été, petit à petit, intégrée à la matière pénale depuis le début des années 1970.

En cette nouvelle ère géologique caractérisée « par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques », dire les atteintes causées à l’environnement que la société accepte, tolère et rejette. Avec tout ce que cela emporte de subjectivité et de plasticité dans le temps : ce que l’on acceptait hier peut être encore toléré aujourd’hui, avant d’être probablement rejeté demain.

L’écocide serait le fait de « tuer notre habitat », c’est-à-dire de détruire les écosystèmes qui constituent notre matrice existentielle.
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Cette pénalisation fragmentaire et évolutive des atteintes à l’environnement a conduit à une forme d’inefficacité. On punit peu et on punit mal. Ainsi, face à des destructions d’écosystèmes entiers par les activités humaines, la nécessité de définir une incrimination spécifique ayant pour objet de prévenir les atteintes majeures à l’environnement, et de punir sévèrement les auteurs de ces atteintes, s’est imposée auprès de nombreux juristes, écologues, sociologues et philosophes. Il s’agit de dire par la création d’une nouvelle infraction qu’il y a des comportements anti-écologiques que la société entend proscrire du vivre ensemble.

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Auteur: Louis de Redon, Maître de conférences HDR en droit de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-Saclay