« L’envers des mots » : Male gaze

Le concept de male gaze a été élaboré en 1975 par la chercheuse britannique Laura Mulvey dans un article publié par la revue de théorie du cinéma Screen, dans le contexte du mouvement de contestation des savoirs académiques mené par les chercheuses et chercheurs marxistes du Center for Contemporary Cultural Studies de Birmingham depuis les années 1960.

Laura Mulvey y articulait les apports du marxisme et de la psychanalyse pour analyser le cinéma hollywoodien dominant comme une construction idéologique où le regard masculin derrière la caméra serait relayé par le regard des personnages masculins dans la fiction, eux-mêmes vecteurs d’identification pour le regard des spectateurs masculins dans la salle de cinéma. Les films en question proposent des histoires dans lesquelles un sujet masculin exerce son regard et son pouvoir sur un ou des personnages féminins passifs. Ceux-ci se trouvent réduits à l’état de corps morcelés, érotisés et fétichisés.

Voyeurisme, sadisme, fétichisme et scopophilie caractérisent pour Laura Mulvey ce cinéma dont elle analysait deux variantes dans les films d’Hitchcock et dans les films de Sternberg. Cet article et les nombreux commentaires qu’il a suscités dans les milieux militants et académiques anglophones marquent les débuts des études féministes sur le cinéma. Ces études ont connu un développement considérable depuis lors outre-Manche et outre-Atlantique, alors que les milieux cinéphiles et académiques français lui opposaient une résistance farouche qui s’explique entre autres par le culte de « l’auteur » (masculin) tel qu’il s’est institué depuis la Nouvelle Vague et règne encore à l’Université comme dans les institutions culturelles (Cinémathèque française, Festival de Cannes…).



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Les critiques adressées au concept de male gaze (y compris par Mulvey elle-même) comportaient plusieurs aspects. D’une part, le concept faisait l’impasse sur les spectatrices réelles et leurs capacités de négociation et de braconnage (au sens de Certeau) qui consiste à s’approprier les films en les interprétant dans une optique différente de celle qui est dominante. D’autre part, le concept manquait d’historicité, comme si la domination masculine était une donnée intemporelle.

Par ailleurs, il ignorait le cas…

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Auteur: Geneviève Sellier, Professeure émérite en études cinématographiques, Université Bordeaux Montaigne