« L’envers des mots » : Quantique

Le terme « quantique » est très présent dans l’actualité, entre la remise du prix Nobel à Alain Aspect et la course technologique en information quantique… L’usage de ce mot remonte en fait à l’aube du XXe siècle, avec le développement de la mécanique ou physique quantique qui initia une véritable révolution du savoir et dont les conséquences ne sont pas encore épuisées. On parle aujourd’hui de logique, hasard, cryptographie, intrication, ordinateur quantiques.

Venant du latin « quantum » (pluriel « quanta ») qui signifie « combien », l’adjectif « quantique » évoque un comptage et, en pratique, un quantum de matière ou d’énergie correspondra à un grain élémentaire, insécable. La mécanique quantique est la théorie qui décrit l’évolution des phénomènes dans le monde de l’infiniment petit, celui des particules élémentaires.



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Le terme quanta fut d’abord introduit par Max Planck. En 1900, il émet l’hypothèse que les échanges d’énergie, par exemple entre un proton et un électron, se font non pas continûment mais par petites quantités discrètes. Ses travaux analysaient le rayonnement du corps noir, une cavité chauffée emplie de gaz qui émet de la lumière. Le spectre lumineux observé n’était pas continu mais composé d’un ensemble de raies de fréquences (ou couleurs) bien définies, et chaque élément chimique se caractérisait par un spectre spécifique. À partir de cette idée, Niels Bohr conçut le modèle planétaire de l’atome dans lequel les électrons tournent autour du noyau sur des orbites d’énergies quantifiées.

La physique classique prédit exactement la trajectoire d’un objet décrit par des positions et des vitesses bien définies, en physique quantique on ne sait que calculer des probabilités de réalisation parmi une infinité de trajectoires possibles.

Une confirmation décisive vint en 1905 quand Einstein interpréta l’effet photoélectrique. Une plaque métallique illuminée peut produire de l’électricité. L’intensité de la lumière n’est pas le critère nécessaire, en revanche la couleur est cruciale : l’effet n’apparaît qu’avec des raies de haute fréquence. Einstein imagina la lumière composée d’un flux d’objets élémentaires qu’il appelle photons, chacun portant, selon l’hypothèse de Planck, une énergie qui dépend de la fréquence : E = hf, E désigne l’énergie et f la fréquence, h étant une grandeur physique universelle appelée constante de Planck.



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Ainsi l’effet s’expliquait comme une collision entre les électrons du métal et les photons de lumière incidente. Une énergie minimum est nécessaire pour extraire les électrons de la plaque, ce que permettent les photons bleus plus énergiques mais pas les rouges.

Interpréter la lumière comme un flux de quanta amenait à un dilemme. La nature de la lumière avait été débattue depuis le XVIIe siècle entre la vision granulaire de Newton et celle ondulatoire de Huyghens. Avec les équations de Maxwell, la nature d’onde semblait définitivement avérée. Après 1905, la « quantification de la lumière » revenait avec force.

Alors, la lumière est-elle une onde ou un flux de corpuscules ? Les deux, voilà la surprenante réponse. C’est la fameuse dualité onde-corpuscule qui admet deux facettes de la réalité : la lumière interagit sous forme de photons mais elle se propage sous forme d’onde. Et cela est général : les électrons eux-mêmes peuvent se comporter comme une onde.

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Cela amène à des conséquences qui peuvent choquer le bon sens, remettant en cause le déterminisme classique. En particulier, Heisenberg écrivit ses relations d’incertitudes qui nous enseignent qu’il est impossible de connaître précisément la position et la vitesse d’une particule.

L’une des conséquences les plus troublantes se révèle avec l’intrication, honorée par le prix Nobel 2022. La fonction qui représente une particule est non locale, elle n’est pas limitée à un point et ceci permet qu’une interaction en un endroit…

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Auteur: François Vannucci, Professeur émérite, chercheur en physique des particules, spécialiste des neutrinos, Université Paris Cité