« L’envers des mots » : Validisme

À mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies, notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ? De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », les chercheurs de The Conversation s’arrêtent deux fois par mois sur l’un de ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.


Le mot validisme est une traduction française du terme « ableism », dérivant du mot « able » (capable, en français). La notion d’ableism regroupe les comportements discriminatoires à l’encontre des personnes en situation de handicap. Il existe plusieurs pistes concernant les origines de ce concept. La plupart tendent vers une naissance au sein des mouvements des droits civiques pour les personnes handicapées entre 1960 et 1980, aux États-Unis.

Ce sont ensuite les Disability Studies qui auraient contribué à la démocratisation de cette notion dans le monde académique dans les années 1980. S’appuyant sur les mobilisations militantes, ce champ d’études anglo-saxon conteste la vision exclusivement médicale du handicap, prédominante à cette époque.

En France, le terme « validisme » apparaît quant à lui pour la première fois dans un texte militant en 2004. Il s’agit d’un véritable tournant puisque, dans un seul mot, est rassemblé l’ensemble des discriminations en direction du handicap. Depuis 2005, le handicap fait partie des dix-huit critères de discriminations fixés par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Les discriminations se retrouvent dans les inégalités de traitement par la société, la stigmatisation, ainsi que dans les processus mentaux, sociaux et inconscients.

Le validisme (ou capacitisme au Canada) repose sur deux approches discriminatoires :

  • Le fait de percevoir les personnes en situation de handicap comme irrémédiablement malheureuses, malchanceuses et diminuées revient à les considérer comme une version amoindrie des personnes dites valides ;

  • Le fait de mettre en avant le handicap comme un vecteur de vertus extraordinaires telles que l’abnégation et le courage, ou le fait de présenter les personnes handicapées comme des leçons de vie ou des sources d’inspiration sont des approches faussement valorisantes, induisant une injonction à la performance.

Dans les deux cas, on aboutit à une essentialisation des personnes en situation de handicap. Autrement dit, on les associe uniquement à une altérité, opposée à la normalité. Cela participe à renforcer et naturaliser la domination des personnes valides et…

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Auteur: Lucas Sivilotti, Chercheur post-doctorant, docteur en sciences de l’éducation et de la formation, Université de Bordeaux