L’épuisement chez l’aidant du malade d’Alzheimer

Quelque 9,3 millions de personnes étaient considérées comme « proches aidants » en 2021 en France, d’après une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Drees) publiée jeudi 2 février.

L’aidant est une figure sociale qui prend des formes différentes selon que l’on aide un enfant handicapé, une personne âgée, une personne atteinte de maladie neuro-dégénérative… Ce n’est que depuis 2015, que la loi (dite ASV) reconnaît l’importance du rôle joué par les aidants familiaux (ou proche aidant) qui prennent en charge une personne âgée dépendante.

« Est considéré comme proche aidant d’une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne. » (CASF, L113-1-3, 2015)

Parmi ces aidants, on estime à 3 millions le nombre concernés par la maladie d’Alzheimer. Ce constat nous a amenés à construire un projet de recherche auprès de 76 aidants qui résident dans le Grand-ouest et à qui nous proposons un entretien tous les six mois pour confronter leur expérience, leur vécu, leurs contradictions aux injonctions morales et sociales dont ils font l’objet.

Nous constatons que la notion d’épuisement et/ou ses formes dérivées (épuisé, épuise, épuisant, épuiser) est très présente dans le discours de la presse qui relaye la décision politique et, dans une moindre mesure, dans le discours des aidants eux-mêmes. Or les termes utilisés ne reflètent pas les enjeux dramatiques qu’implique ce statut.

Un détour par une exploration dans la presse nationale et régionale

Le contexte actuel est fortement ancré dans les problématiques politiques et sanitaires du fait qu’elles questionnent la prise en charge du vieillissement de la population. La presse évoque l’aidant de malades d’Alzheimer au travers de la construction figée l’épuisement de l’aidant, décrivant l’aidant dans la relation de soin, de prise en charge, et réduisant et état normalement éphémère à une caractéristique essentielle. Cette construction fonctionnant comme pré-construit confirme la représentation de l’aidant dans l’opinion générale.

« Autre objectif également, alerter sur l’épuisement de l’aidant. Dans certains cas, il arrive que ce soit lui qui parte en premier. » (Le Monde, avril 2016)

« Il favorise le maintien à domicile des personnes fragilisées tout en limitant le risque d’épuisement de l’aidant. » (Le Progrès, juillet 2017)

« Le répit est maintenant proposé dans chaque département comme solution pour réduire l’épuisement de l’aidant. » (Le Figaro, décembre 2019)

« L’objectif du répit est de lutter contre l’épuisement de l’aidant, mais aussi contre le repli sur soi et l’isolement du couple aidant. » (Sud-Ouest, avril 2021)

Ce que disent les aidants de leur épuisement

L’aidant, quant à lui, évoque l’épuisement comme résultat d’un long processus de prise en charge qui aboutit à une fatigue extrême et à un point de non-retour. Dans l’exemple suivant, la gradation des attitudes et des émotions (peur de la maltraitance, énervement et épuisement) fait revenir l’aidante à la raison en privilégiant l’encadrement du malade par des professionnels en institution.

Florence, aidante de son conjoint :

« Il faut apprendre à l’habiller, à enfiler les chaussettes, à l’aider à se lever du lit et tout et tout, tout ça c’est des techniques en fait, personne ne vous apprend il faut s’adapter, alors on se bousille le dos, j’aurais 20 ans de plus que mon mari, comment est-ce que j’aurais fait ? je n’aurais pas été capable et donc j’avais peur justement de devenir maltraitante, j’étais au bord de l’épuisement et donc c’est pour ça que je me dis qu’il est mieux là-bas (en Ehpad) même si on s’en occupe pas trop. Bon, il est à l’abri, il mange, c’est le principal. »

Dans l’exemple suivant, c’est l’hypervigilance de l’aidante sur sa mère qui conduit à l’épuisement et à une prise de conscience du placement en…

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Auteur: Frédéric Pugniere-Saavedra, Maître de conférences en sciences du langage, Université de Bretagne Sud