Les anarchistes dans la ville

Avec cette étude historique et urbanistique, Chris Ealham brosse le portrait de Barcelone, dont le fossé entre la ville bourgeoise et la ville populaire, plus profond qu’ailleurs, ne pouvait qu’alimenter des affrontements. À la fin de la dictature, en 1931, les forces de la « République de l’ordre » combattent le plus puissant mouvement libertaire de l’histoire. Puis, à l’été 1936, le putsch de Franco déclenche un embrassement révolutionnaire. Il explore les causes concrètes de mécontentement de la classe ouvrière dans les lieux de travail et les quartiers qui aboutirent à une « radicalisation anarcho-syndicaliste », et livre une « histoire sociale des dépossédés inscrite dans l’espace ».

Au XIXe siècle, Barcelone fut la capitale industrielle de l’Espagne et connut de grandes transformations. En 1859, « le plan Cerdà promettait la rénovation de l’enchevêtrement inextricable et surpeuplé des rues médiévales de la Ciutat Vella (la vieille ville), qui serait reliée aux quartiers industriels avoisinants », la construction d’une Eixample (« extension » en catalan), cœur d’une nouvelle ville fonctionnelle, favorisant l’intégration sociale et le brassage des différentes classes, et où régneraient l’unité et l’égalité. Mais la soumission de cet urbanisme progressiste aux seuls intérêts de la bourgeoisie locale et des propriétaires fonciers était incompatible avec ces objectifs égalitaires : les marchés non réglementés, la spéculation foncière et la corruption imposèrent rapidement leurs limites.Après le « Désastre » de 1898, lorsque l’Espagne perdit ses dernières colonies ultramarines (Cuba, les Philippines et Porto Rico), Barcelone connu un rapide développement industriel et une diversification économique, la transformant en capitale commerciale mondiale. La construction de la via Laietana, longue avenue des affaires, en place de rues décrépies du centre-ville, fournit des immeubles de bureaux à de nombreux entrepreneurs et facilita le mouvement des capitaux. Les entreprises anciennes furent délocalisées vers des ateliers plus grands à la périphérie. Entre 1850 et 1900, la population augmenta de plus de 300 %, puis doubla encore entre 1900 et 1930, surtout grâce à un exode de migrants économiques, venus de l’arrière pays catalan et des régions voisines, puis de Murcie et d’Andalousie dans les années 1920. L’État, incapable de mettre en place certains services publics, laissa l’éducation aux écoles catholiques qui…

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Auteur: lundimatin