Les Arméniens de Turquie, entre stigmatisation médiatique et déni ordinaire

L’importante thèse de doctorat soutenu en 2016 par Nazli Temir Beyleryan, portant sur la mémoire individuelle et collective des Arméniens de Turquie, vient enfin d’être publiée sous forme de livre. Cette recherche se base sur des entretiens nombreux et approfondis menés pendant trois ans (2009, 2010, 2011) en Turquie, dans plusieurs villes d’Anatolie et surtout à Istanbul, auprès de trois générations d’Arméniens et d’Arméniennes. Le résultat est aussi vivant et puissant que la rhétorique négationniste de l’État turc est scientifiquement morte et politiquement mortifère. L’autrice retranscrit longuement et fidèlement la parole de ses « enquêté·e·s », et mobilise dans son analyse aussi bien les outils, les concepts et les analyses de la sociologie (les travaux fondateurs de Maurice Halbwachs sur le concept de « mémoire collective », bien sûr, mais aussi les analyses de Pierre Bourdieu sur la domination politique, sociale et symbolique, et son concept d’habitus) que ceux de la philosophie (celle notamment de Jacques Derrida sur le « mal d’archive »), des études littéraires (Zabel Essayan, Marc Nichanian) et de la psychanalyse (Janine Altounian, Hélène Piralian, et bien sûr les analyses de Freud sur le travail de deuil). Il en ressort une dissection implacable du système génocidaire et de sa continuation négationniste, de la terreur d’État et de l’injonction à l’oubli à laquelle est soumise la minorité arménienne, par mille canaux institutionnels (de l’École aux médias, en passant par l’ensemble des rapports sociaux), et des « politiques de rappel » qui assurent la perpétuation du récit national et du silence arménien (notamment le Varlık Vergisi de 1942 et le pogrom d’Istanbul en 1955, ou plus récemment l’assassinat de Hrant Dink). Mais Nazli Temir Beyleryan n’en reste pas là. Tout en dévoilant l’ensemble des mécanismes d’intimidation et de silenciation, leur…

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Auteur: Nazli Temir Beyleryan