Les artistes sont aussi des travailleurs – Convergence des luths — Sébastian RENAUD, Rémy CARDINALE

« La culture est en danger », entend-on partout. Et, de fait, voici plus d’un an que toute activité artistique en présence de public est arrêtée. Plus d’un an qu’il faut répéter, assurer la maintenance des lieux culturels, annuler festivals et représentations dans l’espoir que ça cesse un jour. Si les salles commencent à rouvrir, n’en demeure pas moins un problème de fond : c’est quoi, la culture ? Ou, plutôt, qui donc la rend possible ? On répondra sans doute : « Les artistes. » La catégorie est commode, englobant tout et son contraire : grands génies solitaires et hors-sol, stars du marché mondial et multitude de précaires et de pauvres romantisés sous couvert de « bohème » et de « chance », celle, tout de même, de pouvoir exercer sa « passion ». Nous nous sommes entretenus avec le jeune collectif de musiciens Convergence des Luths. Pour ces travailleurs de la culture — tel est le titre qu’ils revendiquent —, il est urgent de reconsidérer de fond en comble notre rapport à l’ensemble de ces métiers. Le collectif propose notamment, afin d’abolir le chantage à l’emploi (aux « cachets ») qui hante le quotidien des travailleurs et des travailleuses, l’instauration d’un salaire à la qualification personnelle (plus connu sous le nom de « salaire à vie »). Premier volet.

Vos écrits révèlent combien le monde de la musique classique est traversé par des rapports de classe : chantage à l’emploi, écarts salariaux indécents, organisations hiérarchiques coercitives, etc. N’est-ce pas un « invariant » dans l’histoire de la musique occidentale ?

Sébastien Renaud : L’imaginaire collectif décrit l’artiste comme un être à part — qu’il soit un éternel souffrant, un génie isolé buvant de l’absinthe ou un hippie. Les artistes eux-mêmes peinent à se démarquer de ces images d’Épinal : ils se prennent régulièrement les pieds dans leurs propres caricatures. Nous nous rendons compte qu’une partie du public attend de nous qu’on lui renvoie cette image : quel musicien ne s’entend pas dire après chaque concert « Vous n’exercez pas un métier, vous exercez votre passion, quelle chance ! ». C’est un vieil adage, dont profitent une myriade d’organisateurs véreux : ils sont prêts à vous payer à peine le sandwich et le billet de train en échange du « plaisir d’exercer notre passion ». Ça paraît trop caricatural pour être vrai, et pourtant ! L’artiste isolé, éthéré, planant au-dessus de la vile société des…

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Auteur: Sébastian RENAUD, Rémy CARDINALE Le grand soir