Les bouquetins alpins menacés d'un abattage massif

Massif du Bargy (Haute-Savoie)

« Il faut regarder les crêtes. Parfois, il y a un gros mâle qui monte la garde. » Longue-vue à la main, Jean-Pierre Crouzat scrute le pic de Jallouvre, au cœur du massif du Bargy, en Haute-Savoie. L’administrateur de France Nature Environnement cherche une aiguille dans une botte de foin. Ou plus précisément, un bouquetin sur une aiguille. Les minutes s’écoulent. Les falaises sont désertes. Soudain, le naturaliste se fend d’un sourire : « Là ! » Quatre cabris viennent d’apparaître au détour d’une arête. Emmitouflés d’une doudoune de fourrure blonde caractéristique de leur poil d’hiver, les jeunes de cette espèce protégée jouent à entrechoquer leurs cornes. « Ces bouquetins ont une espérance de vie de quinze ans. Enfin, si le préfet leur prête vie… » souffle Jean-Pierre Crouzat.

Par arrêté de la préfecture de Haute-Savoie, 170 des 370 bouquetins du massif du Bargy vont être abattus. Leur faute : être suspectés d’avoir transmis la brucellose à un bovin en novembre 2021. Cette zoonose se transmet à l’humain lors des mise-bas de vaches infectées et par la consommation de produits laitiers crus. La France en est officiellement « indemne » depuis 2005. Le cas le plus récent remonte à 2012, quand deux jeunes Savoyards avaient été contaminés par des fromages produits au Grand-Bornand, près du massif. En réaction, le préfet de Haute-Savoie avait décrété la capture puis l’euthanasie des bouquetins séropositifs, et l’abattage des animaux non-marqués.

Jean-Pierre Crouzat scrute le pic de Jallouvre. © Moran Kerinec / Reporterre

D’environ 570 individus en 2013, la population de bouquetins est tombée à 270 en 2016 selon le décompte de l’Office français de la biodiversité (OFB). Elle est, en 2020, remontée à 370. Selon une étude menée par les agents de l’OFB, le taux de prévalence de la maladie chez les femelles les plus susceptibles de la transmettre est passé de 50 % à moins de 15 % entre 2012 et 2020. Une analyse confirmée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) dans son avis de novembre 2021 : « La situation s’est nettement améliorée dans l’ensemble du massif, tous secteurs confondus : la séroprévalence ayant été divisée par dix environ, et la taille de la population ayant diminué d’un tiers, le nombre de bouquetins infectés présents dans le massif a été fortement réduit. »

Pour les éleveurs, une seule solution : « l’abattage total des…

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Auteur: Moran Kerinec Reporterre