« Les centrales nucléaires accumulent des risques qu'EDF anticipe mal et sous-estime largement »

« Au début, tout le monde avait un bon socle de formation, explique Daniel, qui a longtemps travaillé au service conduite d’une des centrales nucléaires les moins vieilles de France. Tous les gens qui travaillaient avec nous, même les prestataires, avaient une bonne culture sûreté ». Pour Daniel, comme pour nombre de ses collègues, cette « culture sûreté » passe par une bonne connaissance de l’installation, par des travailleurs conscients d’évoluer sur un site industriel potentiellement très dangereux.

« Avec le temps, cela s’est dégradé, ajoute Daniel. Aujourd’hui, nous sommes à peu près 800 employés et beaucoup, parmi nous, ne connaissent pas le process. Ils sont complètement à l’écart du fonctionnement de la centrale. » La question de la sûreté des centrales nucléaires se pose encore plus crûment depuis qu’Emmanuel Macron envisage non seulement la prolongation du parc, mais aussi la construction de nouveaux réacteurs.

La sous-traitance s’étend et les agents EDF quittent peu à peu le terrain pour devenir surveillants d’activité. Les plus anciens s’appuient sur leur expérience mais les plus jeunes arrivent à des postes de surveillance sans avoir « pratiqué » l’installation. Ce cloisonnement complique la tâche de ceux qui sont sur le terrain et réduit les possibilités de se transmettre des connaissances et savoir-faire. Ce n’est pas sans poser problème. « Rien ne peut remplacer la mémoire vivante du travail réel, alerte Annie Thébaud-Mony, sociologue, directrice de recherche à l’Inserm, qui a mené une longue enquête de terrain auprès des sous-traitants du nucléaire. Cette mémoire, dans les centrales, elle est en train de disparaître, au fur et à mesure que les plus anciens partent à la retraite. »

Des agents EDF déconnectés du terrain

Laurent, agent de conduite pendant trente ans, partage ses inquiétudes. « L’autre jour, j’étais en formation. C’est moi qui ai appris aux formateurs qu’on avait un type de vannes qui fonctionnait différemment des autres. C’est de la faute à personne. Mais c’est juste que cela a été oublié, pas transmis, donc perdu. Pourtant, en cas de pépin, ça peut être utile de savoir s’en servir, de ces vannes. »

Au-delà de cette scission entre le terrain et l’encadrement, les travailleurs les plus anciens dénoncent l’inflation de procédures qui s’est invitée dans les centrales. Mise en place pour sécuriser le process de production, la formalisation du travail s’appuie sur des…

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Auteur: Nolwenn Weiler